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Patriarches et Prophètes
et nous nous refusons à penser qu’une catastrophe viendra frapper la
terre. Si les hommes de cette génération avaient obéi à la loi divine,
ils auraient reconnu la voix du Créateur dans les avertissements de
son serviteur. Mais leur obstination les avait préparés à prendre Noé
pour un imposteur ou un illuminé.
Du côté de la vérité, on ne voyait ni la multitude ni la majorité.
Le monde s’était ligué contre la justice de Dieu et contre ses lois.
Lors de la tentation d’Ève par Satan, ce dernier avait dit : “Vous
ne mourrez certainement pas
” Les hommes sages et honorés de
l’époque de Noé répétaient le même refrain : “Les menaces du
ciel ont pour but de nous intimider ; elles ne se vérifieront jamais.
Ne vous alarmez pas : la destruction du monde par le Dieu qui
l’a fait et le châtiment des êtres qu’il a créés n’auront jamais lieu.
Tranquillisez-vous ; ne craignez rien, Noé est un fou et un fanatique.”
Et les épigrammes de pleuvoir sur la tête du vénérable vieillard.
Loin de s’humilier, les foules persistaient dans la désobéissance et
l’iniquité, comme si Dieu n’avait point parlé par son serviteur.
Noé, cependant, solide comme le roc, opposait au mépris et à la
dérision des foules une fermeté et une fidélité inébranlables. Durant
cent vingt ans, soutenu par une force irrésistible émanant de sa
communion avec Dieu, sa parole, écho du Tout-Puissant, fit entendre
à cette génération l’approche d’événements qui, à vues humaines,
paraissaient impossibles.
Ses contemporains assuraient que les lois de la nature étaient
immuables : témoin le retour invariable des saisons et le fait que
les fleuves avaient toujours porté leurs eaux à la mer. D’ailleurs, la
terre étant fertilisée par la brume ou la rosée, on n’avait jamais vu
de pluie. Ces logiciens n’oubliaient qu’une chose : cette régularité
était due à celui qui avait dit à la mer : “Tu viendras jusqu’ici, et tu
n’iras pas plus loin
”
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Les années s’écoulant sans amener de changements apparents
dans la nature, ceux qui avaient senti l’aiguillon de la peur commen-
cèrent à se rassurer. Comme beaucoup de gens à notre époque, ils
pensaient que la nature est supérieure au Dieu de la nature, et que
Dieu lui-même ne peut modifier ses inflexibles lois. Arguant que si
* .
Genèse 3 :4
* .
Job 38 :11