Page 73 - Patriarches et Proph

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Le déluge
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la prédiction de Noé était correcte, notre globe serait jeté dans un
état de perturbation, ils concluaient et faisaient croire au monde que
ce message n’était qu’une mystification. S’il y avait un mot de vérité
dans ce que disait Noé, observait-on, nos savants s’en apercevraient.
Et pour marquer leur mépris de l’avertissement divin, ils se livraient
de plus en plus aux plaisirs. On mangeait, on buvait, on plantait,
on bâtissait. On lançait des entreprises que le temps devait rendre
très fructueuses. Et pour bien montrer que l’on n’éprouvait aucune
crainte de l’Être suprême, on se vautrait dans l’iniquité avec plus de
hardiesse que jamais.
Si les antédiluviens avaient accepté l’avertissement qui leur était
adressé, Dieu aurait détourné d’eux son courroux, comme il le fit
plus tard pour Ninive. Hélas ! leur résistance obstinée aux cris de
la conscience et aux supplications du prophète de Dieu combla la
mesure de leur culpabilité, et leur destruction devint irrévocable.
Les jours de grâce prenaient fin. Noé s’était strictement conformé
aux directives du Seigneur. L’arche, complètement terminée, était
approvisionnée d’aliments pour hommes et bêtes. Alors le serviteur
de Dieu adressa à ses contemporains un dernier et suprême appel.
Avec une ferveur inexprimable, il les adjura de profiter du refuge
qui leur était offert. Une fois encore, ses paroles ne soulevèrent que
railleries et ricanements. Mais soudain, sur la foule narquoise tombe
un grand silence. Des monts et des forêts, on voit s’avancer paisible-
ment vers l’arche une troupe d’animaux composée de bêtes sauvages
et domestiques. En même temps, on entend un bruissement comme
celui d’un vent impétueux, et que voit-on ? Dans un ordre parfait, des
oiseaux innombrables, à obscurcir le soleil, viennent de toutes les di-
rections. Tandis que les hommes résistent, insensibles aux ordres du
Très-Haut, les animaux entrent dans l’arche, deux à deux, par espèce,
ou à raison de sept couples pour les animaux purs. On contemple
cette scène avec une admiration mêlée de stupeur. Les philosophes
sont requis de donner une explication du phénomène. Mais en vain,
car ce mystère les dépasse. D’ailleurs, les hommes se sont endurcis
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à tel point que cette scène ne produit sur eux qu’une impression
passagère. Le soleil brille dans tout son éclat, la terre comme aupa-
ravant étale sa splendeur. En conséquence, comme pour braver et
hâter la colère divine en marche, on retourne aux dissipations et aux
violences.