La révolte d’Absalom
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me rendra-t-il le bonheur en échange des malédictions que je reçois
aujourd’hui.”
La conscience de David lui faisait entendre des vérités amères
et humiliantes. Le soudain revers de fortune qui étonnait ses sujets
n’était pas un mystère pour lui. Il en avait souvent eu des présages
et s’était étonné que Dieu supportât si longtemps ses péchés et que
le châtiment mérité fût si long à venir. Mais à ce moment-là, les
pieds nus et ses vêtements royaux échangés contre la bure grossière
de l’affliction, dans cette fuite douloureuse et les lamentations de
sa suite, répercutées par les échos des montagnes, il songeait à sa
capitale bien-aimée et il avait l’impression que Dieu lui manifesterait
encore sa bonté.
Durant des années, il s’était efforcé d’accomplir fidèlement son
devoir. Sous son sceptre, son royaume était parvenu à un degré de
puissance et de prospérité jamais atteint auparavant. Il avait en outre
accumulé d’immenses matériaux en vue de la construction de la
maison de Dieu. Fallait-il que le travail de toute sa vie fût anéanti ?
Le résultat de ces années de labeurs désintéressés, l’œuvre du génie,
de la piété et d’une administration modèle allaient-ils passer entre
les mains d’un fils insensible à l’honneur de Dieu et à la prospérité
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d’Israël ? Combien il eût été naturel pour David, dans cette cuisante
épreuve, de murmurer contre le Seigneur !
Mais au contraire, il voyait dans ses propres fautes la cause de
tout son malheur. Ses sentiments sont bien exprimés par le prophète
Michée : “Si je suis assis dans les ténèbres, l’Éternel sera ma lu-
mière ! Je supporterai le courroux de l’Éternel, puisque j’ai péché
contre lui, jusqu’à ce qu’il défende ma cause, et me fasse droit
”
Cet épisode de sa vie où David se montre humble, désintéressé,
généreux sous l’insulte et l’ignominie est l’un des plus beaux de
sa carrière. Jamais il n’avait paru plus grand aux yeux du ciel qu’à
l’heure de sa plus profonde détresse.
Si Dieu avait laissé impuni le péché de David, s’il lui avait
permis de jouir d’une paix et d’une prospérité ininterrompues, alors
qu’il violait sa sainte loi, les sceptiques auraient eu quelque raison
de prendre comme prétexte l’histoire du roi d’Israël pour démolir
la religion de la Bible. Mais au contraire, cette histoire prouve
* .
Michée 7 :8, 9