Page 217 - Patriarches et Proph

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Moïse
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lâchement de meurtre. “Qui t’a établi chef et juge sur nous ? lui dit-il.
Est-ce que tu veux me tuer comme tu as tué l’Égyptien
?”
Le bruit s’en répandit immédiatement dans le pays et parvint
bientôt, fortement exagéré, aux oreilles du Pharaon. On lui démontra
que cette affaire avait une longue portée ; que Moïse se proposait de
se mettre à la tête de ses frères contre les Égyptiens ; de renverser
le gouvernement et de s’asseoir sur le trône ; en un mot, qu’il n’y
aurait aucune sécurité dans le royaume aussi longtemps qu’il serait
en vie. Sa mort fut donc immédiatement décidée par le monarque.
Informé du danger qu’il courait, Moïse s’enfuit dans la direction de
l’Arabie. Dieu dirigea ses pas vers la demeure de Jéthro, prêtre de
Madian, adorateur du vrai Dieu, dont il épousa plus tard une fille, et
chez qui il demeura quarante ans en qualité de berger.
En tuant un Égyptien, Moïse était tombé dans l’erreur souvent
commise par ses pères, erreur qui consistait à vouloir faire eux-
mêmes ce que le Seigneur avait promis d’accomplir lui-même. Dieu
ne se proposait nullement, comme Moïse le pensait, de délivrer
son peuple par la guerre, mais par sa propre puissance, afin que lui
seul en eût toute la gloire. Il fit néanmoins contribuer cette erreur
à l’accomplissement de sa volonté. Moïse n’était pas prêt pour la
grande œuvre qui l’attendait. Comme Abraham et Jacob, il devait
apprendre à ne pas compter, pour exécuter les promesses divines, sur
la force ou sur la sagesse humaine, mais sur la seule puissance de
Dieu. En outre, dans la solitude des montagnes, Moïse avait d’autres
enseignements encore à recevoir. A l’école du renoncement et des
privations, il apprendrait à être patient et à modérer ses passions.
Avant de pouvoir gouverner sagement, il fallait qu’il sache obéir.
Pour faire connaître au peuple la volonté du Très-Haut, il devait avoir
un cœur entièrement soumis aux directions divines et se préparer,
par une expérience personnelle, à entourer de soins paternels tous
ceux qui auraient besoin de lui.
D’aucuns se seraient passés de ce long stage de labeur obscur.
Ils auraient envisagé comme une perte de temps inutile ces quarante
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ans que Dieu, dans sa sagesse infinie, appelait le futur conducteur
de son peuple à consacrer aux humbles devoirs d’un berger. Les
soins vigilants, l’oubli de soi et la tendre sollicitude dont il allait
* .
Exode 2 :14