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Patriarches et Prophètes
et offrant tous les avantages nécessaires à un rapide accroissement, y
était mis à leur disposition. D’autre part, l’antipathie des Égyptiens
pour la vocation pastorale qui était celle des descendants d’Israël —
“car les Égyptiens ont en abomination tous ceux qui font paître les
brebis
— allait favoriser leur désir de rester un peuple séparé et
distinct, préservé de toute participation à l’idolâtrie.
A son arrivée en Égypte, la caravane se dirigea aussitôt vers
la contrée de Gossen. Accompagné d’une suite princière, Joseph
s’y rendit dans son chariot officiel. La dignité de sa position et la
pompe de son entourage le laissaient indifférent. Une seule pensée,
un seul désir faisait tressaillir son cœur. Lorsqu’il vit approcher les
voyageurs, les tendres affections dont, durant tant d’années, il avait
dû réprimer les élans, ne connurent plus de frein. Il s’élança de son
chariot, et courant au-devant de son père, il “se jeta à son cou, et
pleura longtemps sur son épaule. Alors Israël dit à Joseph : Je puis
mourir maintenant, puisque j’ai vu ton visage, et que tu vis encore.”
Joseph prit cinq de ses frères pour les présenter au Pharaon et
recevoir de lui le territoire où ils allaient établir leur résidence. Dans
sa gratitude envers son premier ministre, le monarque se proposait
d’offrir à ses frères quelques charges dans le gouvernement. Mais,
fidèle au culte de l’Éternel, Joseph voulut leur épargner les tentations
auxquelles ils auraient été exposés dans une cour païenne. Il leur
conseilla d’avouer franchement leur occupation au roi. Ils suivirent
ce conseil, et eurent soin d’ajouter qu’ils n’étaient venus dans ce
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pays qu’en séjour et non à demeure, se réservant ainsi le droit d’en
repartir quand ils voudraient. En conséquence, maintenant son offre,
le Pharaon leur assigna comme territoire, “le meilleur de tout le pays
d’Égypte”, à savoir la terre de Gossen.
Peu de temps après leur arrivée, Joseph amena aussi son père
à la cour pour le présenter au Pharaon. Le patriarche n’était pas
habitué à l’étiquette des cours. Mais il avait vécu au milieu des
scènes sublimes de la nature, et il avait conversé avec un monarque
plus puissant. Aussi, conscient de sa supériorité, il leva ses mains
sur le Pharaon, et le bénit.
En revoyant Joseph, Jacob lui avait déclaré qu’après ce dénoue-
ment inespéré de ses longues angoisses, il se sentait prêt à mourir.
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Genèse 46 :34