Page 201 - Patriarches et Proph

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Joseph et ses frères
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pour transporter leurs familles ainsi que tout leur personnel. Joseph
fit à Benjamin des présents plus rares qu’à ses autres frères. Puis,
craignant qu’il ne s’élevât des disputes entre eux au cours du voyage,
il leur fit cette recommandation : “Ne vous querellez pas en chemin.”
Arrivés auprès de leur père, les onze fils de Jacob lui apportent
cette grande nouvelle : “Joseph vit encore ! Et même c’est lui qui
gouverne tout le pays d’Égypte !” Le vieillard, interdit, reste im-
mobile, ne pouvant croire ce qu’il entend. Mais, lorsqu’il voit le
long convoi de chariots et de bêtes de somme, et leur chargement ;
lorsqu’il peut, à nouveau, serrer dans ses bras Benjamin, il se rend à
l’évidence. Dans l’excès de sa joie, il s’écrie : “C’est assez ! Joseph
mon fils vit encore ; j’irai, je le verrai avant de mourir.”
Mais un acte d’humiliation restait à accomplir par les dix frères
repentants. Ils confessèrent à leur père l’acte de perfide cruauté qui,
durant tant d’années, avait assombri sa vie et la leur. Jacob ne les
aurait pas soupçonnés d’un crime semblable. Mais voyant que Dieu
avait tout fait concourir à leur bien, il pardonna leur égarement, et il
les bénit.
Jacob et ses fils, accompagnés de leurs familles, de leurs trou-
peaux et de leurs nombreux serviteurs, se mirent bientôt en route
pour l’Égypte. La joie était dans tous les cœurs. Arrivés à Béer-Séba,
le patriarche offrit à l’Éternel des sacrifices d’actions de grâces, et le
supplia de lui donner une marque visible de son approbation et de sa
protection. Dans une vision de la nuit, cette parole lui fut adressée :
“Ne crains point de descendre en Égypte ; car je t’y ferai devenir
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une grande nation. Moi-même je descendrai avec toi en Égypte ;
moi-même aussi je t’en ferai sûrement remonter.”
Cette promesse était significative. Malgré la promesse faite à
Abraham d’une postérité innombrable comme les étoiles, le peuple
choisi ne s’était jusqu’alors accru que lentement. D’ailleurs, le pays
de Canaan ne se prêtait pas à une semblable multiplication. Il était
occupé par de puissantes tribus païennes qui ne devaient pas en
être dépossédées avant la “quatrième génération”. Les descendants
d’Abraham auraient été obligés, ou bien d’en chasser les habitants,
ou de se mélanger à eux, et de se voir entraînés dans l’idolâtrie. Or,
ni l’une ni l’autre de ces solutions n’eût été conforme à la parole
divine. L’Égypte, en échange, présentait les conditions nécessaires à
l’accomplissement du plan de Dieu. Un territoire fertile, bien arrosé