Chapitre 18 — La lutte nocturne
            
            
              En quittant Paddan-Aram, Jacob avait obéi à un ordre divin.
            
            
              Mais ce n’était pas sans de vives appréhensions qu’il repassait par
            
            
              le chemin parcouru vingt ans auparavant. Sa faute envers son père
            
            
              était constamment devant ses yeux. Il ne pouvait oublier que son
            
            
              exil prolongé était la conséquence directe de son péché ; et cette
            
            
              pensée, qui le poursuivait jour et nuit, avivée par les reproches de sa
            
            
              conscience, jetait une ombre de mélancolie sur son voyage.
            
            
              A la vue des collines de son pays, le cœur du patriarche se
            
            
              serre douloureusement : tout le passé remonte à sa mémoire. A
            
            
              mesure qu’il approche du terme, les sombres pressentiments qui le
            
            
              hantent à la pensée d’Ésaü augmentent. La nouvelle de son retour,
            
            
              pense-t-il, va réveiller chez son frère des sentiments de vengeance
            
            
              auxquels s’ajoutera la crainte que Jacob ne vienne réclamer sa part
            
            
              de l’héritage paternel, héritage dont Ésaü est, depuis son départ, le
            
            
              seul bénéficiaire. S’il y est disposé, se dit Jacob, il est capable de me
            
            
              faire beaucoup de mal.
            
            
              Mais Dieu lui donne une preuve nouvelle de sa sollicitude. En
            
            
              s’éloignant des montagnes de Galaad dans la direction du sud, il
            
            
              aperçoit deux armées d’anges marchant avec lui, l’une comme avant-
            
            
              garde, l’autre comme arrière-garde. A ce spectacle, qui lui rappelle
            
            
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              sa vision de Béthel, Jacob tressaille de joie : les divins messagers qui
            
            
              l’avaient réconforté lors de sa fuite sont maintenant les protecteurs
            
            
              de sa rentrée dans son pays. Il s’écrie : “C’est ici le camp de Dieu !
            
            
              ... et il donne à ce lieu le nom de Mahanaïm”, les deux camps
            
            
            
            
              Néanmoins, Jacob comprend qu’il a, de son côté, quelque chose
            
            
              à faire pour assurer sa sécurité. Une mesure conciliatoire s’impose.
            
            
              A cet effet, il envoie à Ésaü deux de ses hommes porteurs d’un
            
            
              message dont il dicte les termes. Et, pour effacer de l’esprit de son
            
            
              frère toute amertume pouvant résulter de la prédiction annonçant
            
            
              que l’aîné des deux frères sera soumis au cadet, Jacob l’intitule
            
            
              “mon seigneur Ésaü” et se nomme lui-même “ton serviteur Jacob”.
            
            
              * .
            
            
              Voir
            
            
              Genèse 32
            
            
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