La révolte d’Absalom
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de manifester l’horreur que lui inspirait le crime qu’il avait commis.
Absalom vécut ainsi deux ans à Jérusalem sans pouvoir se présenter
à la cour. Sa sœur, qui vivait auprès de lui et rappelait le tort irrépa-
rable qu’elle avait souffert, donnait au peuple l’impression que le
jeune prince était plutôt un héros qu’un malfaiteur.
Absalom profita de cette disposition des esprits et s’efforça de
gagner le cœur de ses concitoyens. Son apparence le favorisait beau-
coup. “Il n’y avait pas dans tout Israël un homme aussi admiré pour
sa beauté qu’Absalom; depuis la plante des pieds jusqu’au sommet
de la tête, il n’y avait en lui aucun défaut.” Or, le roi manquait de
sagesse en permettant à cet homme ambitieux et remuant de demeu-
rer à Jérusalem sans consentir à l’admettre en sa présence. C’était
courir le risque de le voir gagner la sympathie du peuple.
Avec le souvenir de sa faute toujours devant les yeux, David pa-
raissait moralement paralysé. Autant il avait été courageux et décidé,
autant il était maintenant faible et irrésolu. Tout cela diminuait son
autorité sur le peuple et favorisait les agissements de son fils.
Grâce à Joab, Absalom fut de nouveau admis à se présenter de-
vant son père. Une réconciliation extérieure eut lieu, mais le jeune
homme n’en continua pas moins ses menées ambitieuses. S’entou-
rant d’un train de maison presque royal, il entretenait des chevaux
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et des chariots, et se faisait précéder d’une garde de corps de cin-
quante hommes. Ainsi, tandis que le roi tendait de plus en plus
vers la solitude et la retraite, Absalom briguait assidûment la faveur
populaire.
La faiblesse et l’irrésolution de David s’étendirent bientôt à ses
subordonnés. L’administration de la justice souffrait de négligences
et de délais, causes de mécontentement qu’Absalom tournait habile-
ment à son avantage. Jour après jour, ce jeune homme d’aspect noble
et imposant se présentait à la porte de la ville, où une foule de plai-
gnants attendaient le moment de lui présenter leurs griefs. Absalom
écoutait leurs doléances, leur exprimait sa sympathie et déplorait
l’inertie du gouvernement. Après avoir entendu le récit de quelque
Israélite en instance de procédure, il lui disait : “Certes, ta cause est
bonne et juste ; mais il n’y a chez le roi personne pour t’écouter.” Et
il ajoutait : “Ah ! que ne m’établit-on juge dans le pays ! Tout homme
qui aurait un procès ou une affaire à juger viendrait chez moi, et
je lui ferais rendre justice. Si quelqu’un s’approchait de lui pour