Page 670 - Patriarches et Proph

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Patriarches et Prophètes
Quand les parents ou les gouvernements oublient de punir l’iniquité,
il arrive que Dieu prenne les choses en main. Le frein qu’il oppose
à la puissance du mal se relâche quelque peu, et la suite amène la
punition du péché par le péché même.
Les résultats de la fatale indulgence de David envers Amnon
n’en restèrent pas là. Le crime d’Absalom méritant une punition, le
roi ne lui permit pas de revenir à Jérusalem. Cet exil allait augmenter,
au lieu de diminuer, les maux inextricables dans lesquels le roi était
enchevêtré. Exclu, par son exil, de la participation aux affaires du
royaume, Absalom, homme énergique, ambitieux et sans principes,
s’adonna bientôt à de dangereuses manigances.
Au bout de deux ans, Joab entreprit de réconcilier le père et le
fils. Il se servit dans ce but d’une femme de Tékoa, réputée pour sa
sagesse. Adoptant les suggestions de Joab, elle vint raconter au roi
qu’elle était restée veuve avec deux fils pour toute fortune et toute
consolation. Dans une querelle, l’un des deux avait tué l’autre. Et
maintenant, toute sa parenté lui ordonnait de livrer le criminel au
vengeur du sang. “Ils veulent donc, dit-elle, éteindre le tison qui
me reste et ne laisser à mon mari ni nom ni postérité à la surface
de la terre.” Cet appel toucha David, qui promit à cette femme la
protection royale.
Après avoir arraché au monarque la promesse réitérée de sa
faveur, la femme lui demanda, avec beaucoup de ménagements, s’il
ne se reconnaissait pas coupable en ne faisant pas revenir celui qu’il
avait banni. Elle poursuivit : “Car enfin, nous mourrons certainement,
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et nous ressemblons à l’eau qui s’écoule sur la terre et qu’on ne peut
recueillir. Mais Dieu n’enlève pas la vie, et il sait trouver les moyens
de ne pas repousser loin de lui l’exilé.” Ce touchant tableau de la
miséricorde divine envers le pécheur — suggéré par Joab, l’homme
de guerre — est une preuve frappante de la connaissance générale
qu’on avait en Israël des grandes vérités de la rédemption. Le roi
sentit son propre besoin de miséricorde. Il ne put résister à cet appel,
et il dit à Joab : “Fais revenir le jeune Absalom.”
Absalom fut autorisé à rentrer à Jérusalem, mais non à repa-
raître à la cour. David commençait à souffrir des mauvais effets de
son indulgence envers ses enfants. Aussi, quelque tendresse qu’il
ressentît pour ce beau et intelligent jeune homme, il lui paraissait né-
cessaire, pour donner une leçon, tant à Absalom qu’à tout le peuple,