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Patriarches et Prophètes
d’une attaque soit du côté de David, soit de la part des Philistins.
C’est là qu’eut lieu le couronnement d’Isboseth, dont la royauté
fut premièrement reconnue par les tribus transjordaniennes, puis
finalement, par tout Israël, à l’exception de la seule tribu de Juda.
Dans sa capitale isolée, le fils de Saül régna durant près de deux ans.
Déterminé à étendre son pouvoir sur toutes les tribus, Abner se livra
à une lutte agressive. “Entre la maison de Saül et la maison de David,
la guerre dura longtemps ; mais le pouvoir de David s’affermissait
de plus en plus, tandis que la maison de Saül allait s’affaiblissant.”
La trahison renversa bientôt ce trône édifié sur l’ambition et la
rancune. Exaspéré par la faiblesse et l’incapacité d’Isboseth, Abner
abandonna sa cause et vint proposer à David de lui ramener toutes
les tribus d’Israël. Ce dernier accepta la proposition d’Abner, le
chargea de cette mission et le congédia honorablement. Cet accueil
fait à un vaillant guerrier ennemi excita la jalousie de Joab, général
en chef de l’armée de David. Durant la guerre civile entre Israël et
Juda, le frère de Joab, Azaël, avait été tué par Abner. Saisissant cette
occasion de venger cette mort et de se débarrasser d’un rival, Joab
l’assassina lâchement.
Quand il apprit ce noir attentat, David s’écria : “Jamais l’Éternel
ne pourra imputer ni à moi ni à mon règne le meurtre d’Abner,
fils de Ner. Que le sang versé retombe sur la tête de Joab et sur
toute la maison de son père !” En raison de l’état de désorganisation
du royaume, comme aussi de l’influence et du rang des meurtriers
— Abisaï, frère de Joab, avait été son complice — David ne put
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songer à punir ce crime comme il le méritait ; mais il en manifesta
publiquement son horreur. On fit à Abner des funérailles nationales.
L’armée, couverte de sacs et les vêtements déchirés, dut participer,
Joab en tête, au convoi funèbre. David, qui jeûnait ce jour-là en signe
de deuil, conduisait le cortège funèbre. Sur la tombe, les meurtriers
furent ouvertement stigmatisés par le roi, en ces termes :
Abner devait-il mourir de la mort des insensés ? ...
Tes mains n’étaient pas liées, ni tes pieds enchaînés !
Tu es tombé comme on tombe sous les coups des scélérats !
L’hommage magnanime rendu à un homme qui avait été son en-
nemi valut à David la confiance et l’admiration de tout Israël. “Cette
conduite fut comprise et approuvée par tout le peuple, qui trouva