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Patriarches et Prophètes
la porte de ce jardin, porte gardée par les deux chérubins auréolés
de gloire, que se rassemblaient les adorateurs. C’est là qu’ils dres-
saient leurs autels et présentaient leurs offrandes. C’est là aussi que
Caïn et Abel avaient offert leurs sacrifices, et que Dieu leur avait
fait l’honneur de converser avec eux. Tant que ce jardin était là, sous
leurs yeux, gardé par deux anges lumineux, il n’était pas possible aux
sceptiques de nier l’existence de l’Éden. L’ordre de la création, le but
du Paradis, l’histoire des deux arbres, si profondément reliée au sort
de l’humanité, tous ces faits étaient incontestés. Aussi longtemps
qu’Adam vécut, l’existence et la souveraineté de Dieu, comme le
caractère obligatoire de sa loi, ne furent guère mises en doute.
Formant un vif contraste avec la corruption générale, une lignée
d’hommes transformés par la communion avec le ciel donnaient le
spectacle d’une vie sainte et pure. Doués d’une rare puissance intel-
lectuelle, possédant une vaste culture, ces fidèles adorateurs du Dieu
vivant étaient investis d’une grande et belle mission : celle de servir
de témoins de la vérité, comme aussi d’exemples de rectitude morale
et de piété, non seulement aux hommes de leur temps, mais aussi
aux générations à venir. Bien que les Écritures n’en mentionnent
que quelques-uns parmi les plus éminents, ces nobles représentants
de Dieu n’ont jamais, à aucune époque, fait défaut sur la terre.
Hénoc fait partie de cette sainte phalange. On lit de lui qu’après
avoir vécu soixante-cinq ans, il engendra un fils, et qu’il “marcha
avec Dieu pendant trois cents ans”. Dès ses premières années, il aima
Dieu et garda ses commandements. De la bouche d’Adam, il apprit
la sombre histoire de la chute, ainsi que la promesse réjouissante
de la grâce, et il plaça son espérance dans le Rédempteur promis.
Mais après la naissance de son premier fils, vivant en communion
plus intime avec Dieu, il comprit mieux ses obligations et sa respon-
sabilité. L’affection et l’abandon filial de son enfant ; la confiance
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entière de celui-ci en la protection paternelle, comme aussi sa propre
tendresse pour ce premier-né, lui firent mieux sentir à la fois l’amour
de Dieu, étonnant, infini, insondable, manifesté dans le don de son
Fils, et la confiance illimitée que ses enfants peuvent lui accorder.
Cette nouvelle révélation de la bonté divine fut désormais, jour et
nuit, l’objet de ses méditations, et fit de lui un apôtre zélé parmi son
entourage.