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Patriarches et Prophètes
vant la voie de Caïn
et abandonnant les commandements de Dieu,
ils s’adonnèrent à la poursuite de la fortune et du plaisir. Sans “se
soucier de conserver la connaissance de Dieu”, ils “s’égarèrent dans
de vains raisonnements, et leur cœur sans intelligence fut rempli
de ténèbres”. Aussi Dieu les livra-t-il “à un esprit pervers
, et la
prévarication, comme une lèpre mortelle, se répandit sur la terre.
Durant près de mille ans, témoin éploré des résultats de sa faute,
Adam lutta de toutes ses forces pour refouler la marée de l’iniquité.
Divinement chargé d’instruire sa postérité dans la voie du Seigneur,
et scrupuleusement fidèle aux révélations d’en haut, le père de l’hu-
manité les répétait à ses enfants et à ses petits-enfants. Jusqu’à la
neuvième génération, ses descendants purent apprendre de lui l’état
de l’homme au paradis, l’histoire de sa chute, les conséquences dou-
loureuses de la désobéissance, ainsi que l’intervention divine qui
devait assurer le salut aux croyants. Peu nombreux, hélas ! furent
ceux qui prirent à cœur les paroles du premier homme. En revanche,
les reproches amers ne lui furent pas épargnés pour avoir, par son
péché, plongé le monde dans le malheur.
La vie d’Adam fut une vie de repentir, d’humiliation et de dou-
leur. Au sortir de l’Éden, la pensée de la mort le faisait frémir d’hor-
reur. Son premier contact avec elle eut lieu lors du crime de Caïn,
son fils aîné, meurtrier de son frère. Bourrelé de remords au souvenir
de son propre péché, doublement frappé au cœur par la mort d’Abel
et la malédiction prononcée sur Caïn, abîmé de tristesse, Adam dut
vivre longtemps encore pour être témoin de la corruption générale
qui devait finalement aboutir à la destruction du monde par le déluge.
L’idée de la mort lui avait longtemps paru effroyable. Mais, après
avoir été, durant environ dix siècles, le spectateur navré des suites
de sa désobéissance, il finit par accueillir cette sanction comme un
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effet de la bonté et de la pitié de son Créateur.
Mais, malgré l’impiété du monde antédiluvien, cette époque ne
fut pas, comme on l’a souvent prétendu, un âge d’ignorance et de
barbarie. Les hommes qui vivaient alors avaient l’avantage de s’éle-
ver très haut dans l’échelle morale et intellectuelle. Leurs forces
physiques et mentales, comme leurs moyens d’acquérir des connais-
* .
Jude 1 :11
* .
Romains 1 :21, 28