La présomption de Saül
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Le peuple s’opposa à l’exécution de cette sentence. Bravant la
colère de Saül, l’armée fit entendre cette protestation énergique :
“Quoi ! Jonathan mourrait, lui qui a procuré une si grande victoire
à Israël ? Cela ne sera point ! Aussi vrai que l’Éternel est vivant,
il ne tombera pas à terre un seul cheveu de sa tête ; car c’est avec
Dieu qu’il a vaincu aujourd’hui.” L’orgueilleux monarque n’osa pas
regimber contre ce verdict unanime, et Jonathan eut la vie sauve.
Saül comprit que son fils lui était préféré, tant par le peuple que par
l’Éternel. La leçon infligée à son étourderie et à son entêtement lui
donna le pressentiment que ses imprécations retomberaient sur sa
propre tête. Il cessa de faire la guerre aux Philistins, et, sombre et
irascible, il retourna en sa maison. Les personnes les plus portées à
se justifier de leurs fautes sont aussi les plus sévères vis-à-vis des
autres. Comme Saül, bien des gens s’attirent le déplaisir de Dieu
pour ne vouloir être ni conseillés, ni réprimandés. Ils ont beau voir
que le Seigneur n’est pas avec eux : ils se refusent à rechercher la
cause du mal en eux-mêmes. Esprits orgueilleux et fanfarons, ils
se permettent de juger cruellement et de condamner sans merci des
gens qui sont meilleurs qu’eux. Ces juges sans mandat feraient bien
de méditer cette parole de Jésus : “De la façon dont vous jugez, vous
serez jugés vous-mêmes, et c’est la mesure dont vous vous servez
qui servira pour vous
”
Ceux qui veulent s’élever aux yeux de leurs semblables sont sou-
vent placés dans des situations où leur vrai caractère est découvert. Il
en fut ainsi de Saül. Sa conduite prouva que l’autorité et les honneurs
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lui étaient plus chers que la justice et la miséricorde. Les Israélites
purent alors reconnaître l’erreur qu’ils avaient commise en rejetant
le gouvernement que Dieu leur avait donné. Ils avaient échangé un
pieux prophète dont les prières imploraient sur eux les bénédictions
du ciel, contre un roi qui, dans son zèle aveugle, demandait à Dieu
de frapper son peuple de ses malédictions.
Si les guerriers d’Israël n’étaient intervenus pour sauver la vie
de l’héroïque Jonathan, leur libérateur eût péri par la volonté de son
propre père. De quelles appréhensions les Hébreux ne doivent-ils pas
avoir été remplis, quand ils se virent, plus tard, à la merci des caprices
de Saül ! Et combien amer dut être le souvenir de l’avoir porté sur
* .
Matthieu 7 :2