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Patriarches et Prophètes
Dalila envoie alors immédiatement un messager aux gouverneurs
de la Philistie, les pressant de venir sans retard. Tandis que l’hercule
israélite dort, elle fait tomber sous le ciseau les tresses de son épaisse
chevelure. Alors, comme auparavant, elle lui crie : “Les Philistins
sont sur toi, Samson !” Réveillé en sursaut, il se dit : “J’en sortirai
comme les autres fois, et je me dégagerai de leurs mains.” Mais il
constate “que l’Éternel s’est retiré de lui”. Avant d’oser s’approcher,
les Philistins obligent Dalila à l’irriter pour se rendre bien compte
qu’il a perdu sa force. Alors ils le “saisissent, lui crèvent les yeux,
le font descendre à Gaza, le lient d’une double chaîne d’airain, et lui
font tourner la meule dans la prison”.
Quelle déchéance pour le juge et champion d’Israël ! Le voilà
impuissant, aveugle, enchaîné et assujetti à d’abjectes et pénibles
besognes. Petit à petit, il a violé les conditions de sa sainte vocation,
et maintenant le voilà tombé au point de trahir son secret ! Dieu
l’a abandonné ! A elle seule, sa longue chevelure n’avait aucune
vertu ; elle n’était que le signe de sa fidélité envers Dieu. Ce symbole
sacrifié aux passions des sens, Samson perd en même temps les
avantages dont il est le gage.
La souffrance, l’humiliation et les moqueries des Philistins lui en
apprirent plus sur sa faiblesse qu’il n’en avait jamais su auparavant et
l’amenèrent à la conversion. Ses cheveux ayant repoussé, sa force lui
revint. Mais, enchaîné, il n’inspirait aucune crainte à ses ennemis,
qui attribuaient leur victoire à leurs idoles, et insultaient le Dieu
d’Israël.
Or, un jour, on annonça une grande fête en l’honneur de Dagon, le
dieu-poisson, protecteur de la mer. Gens de la ville et de la campagne,
peuple et seigneurs s’assemblèrent de toutes les parties de la plaine
philistine. Le vaste temple, ainsi que les galeries, étaient bondés
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d’adorateurs. Une scène de liesse et de ripaille allait commencer.
Après les pompes du sacrifice, viennent la musique et le reste. Pour
finir, on amène Samson, comme suprême trophée de la puissance
de Dagon. Son apparition est saluée par des cris de triomphe et des
ricanements. Peuple et gouverneurs raillent l’impuissance du captif
et louent le dieu qui a triomphé de leur adversaire.
A ce moment-là, Samson, se disant fatigué, demande la permis-
sion de s’appuyer contre les deux colonnes centrales qui soutiennent
la toiture du temple. Puis il murmure silencieusement cette prière :