Page 527 - Patriarches et Proph

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Samson
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A minuit, cependant, réveillé par la voix accusatrice de sa
conscience, Samson revient à lui. Quoiqu’il ait violé son naziréat,
Dieu ne l’abandonne pas, et sa force prodigieuse le sauvera, cette
fois encore. Il se dirige vers la porte de la ville, “il en saisit les
battants et les deux poteaux ; il les arrache avec la barre, les charge
sur ses épaules, et les porte au sommet de la montagne qui est en
face d’Hébron”.
Mais le danger qu’il vient de courir ne l’arrête pas sur la pente
du mal. Il ne retourne plus chez les Philistins, mais continue de
rechercher les plaisirs sensuels qui l’entraînent à sa perte. Non loin
du lieu de sa naissance, il “s’éprend d’une femme qui habitait dans
la vallée de Sorek ; elle s’appelait Dalila”. La vallée de Sorek était
célèbre par ses vignes, et c’était là un attrait de plus pour le chan-
celant naziréen, qui avait déjà bu du vin, et brisé cet autre lien qui
l’attachait à la vertu et à Dieu. Les Philistins, qui suivaient avec
attention tous ses mouvements, apprirent bientôt le motif avilissant
de sa visite, et résolurent de se servir de Dalila pour le perdre.
N’osant s’attaquer à Samson tant qu’il était en possession de sa
grande force, ils résolurent d’en découvrir le secret. Ils envoyèrent
donc à la vallée de Sorek une députation composée d’hommes in-
fluents des diverses provinces de la Philistie, qui soudoyèrent Dalila
pour qu’elle leur révèle le grand mystère.
Accablé de questions par la perfide courtisane, Samson l’abuse
en lui donnant diverses explications dont la fausseté est aussitôt dé-
voilée. Dalila accuse alors Samson de fourberie : “Comment peux-tu
dire : Je t’aime, puisque ton cœur n’est pas avec moi ! Tu t’es joué de
moi trois fois, et tu ne m’as pas dit d’où vient ta grande vigueur.” Par
trois fois, Samson a eu la preuve que les Philistins se sont ligués avec
Dalila pour le perdre, et chaque fois, son but manqué, elle a tourné la
chose en plaisanterie. Dans son aveuglement, Samson bannit toute
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crainte. Une puissance fascinatrice le retient auprès de cette femme,
qui “le harcèle tous les jours de questions et le fatigue de ses ins-
tances au point que son âme est impatientée jusqu’à la mort.” Vaincu,
Samson découvre finalement son secret : “Le rasoir, révèle-t-il, n’a
jamais passé sur ma tête, car je suis naziréen, consacré à Dieu dès
le sein de ma mère. Si j’étais rasé, ma force m’abandonnerait ; je
deviendrais faible, et je serais comme tout autre homme.”