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Patriarches et Prophètes
Puis, pour échapper aux poursuites de ses ennemis, il se retire dans
la caverne du rocher d’Étam, au pays de Juda.
Mais un fort détachement de Philistins pénètre dans la région,
et les habitants de Juda, alarmés, consentent lâchement à lui livrer
Samson. Trois mille hommes de Juda, auxquels il donne l’assurance
qu’il ne leur fera pas de mal, viennent l’arrêter. Il consent à être
lié et livré aux Philistins, à condition qu’ils ne le touchent pas, ce
qui l’obligerait à les massacrer. Samson, lié de deux cordes neuves,
est conduit dans le camp ennemi, où sa vue provoque de grandes
démonstrations de joie. Mais tandis que leurs cris font retentir les
échos des collines, “l’Esprit de l’Éternel le saisit, et les cordes qu’il
avait aux bras deviennent comme du lin brûlé par le feu ; les liens
tombent de ses mains”, puis, s’emparant de la première arme qui
lui tombe sous la main, — une mâchoire d’âne, qui devient plus
redoutable qu’une épée ou une lance, — il fait des Philistins un
tel carnage qu’ils s’enfuient, fous de terreur, laissant mille morts
derrière eux.
Si les Israélites avaient été disposés à se joindre à Samson pour
compléter la victoire, ils auraient pu, à ce moment-là, secouer le
joug de leurs oppresseurs. Mais, à force de négliger leur mission
d’extirper les païens, ils devinrent timides et lâches. Ils s’étaient
joints à eux dans leurs honteuses pratiques, toléraient leur cruauté et
leur injustice tant qu’elle ne les touchait pas, quitte, si l’oppression
fondait sur eux, à se soumettre abjectement. Il leur arrivait même,
quand Dieu leur suscitait un libérateur, de l’abandonner et de se
joindre à leurs ennemis.
Après sa victoire, Samson, établi juge par les Israélites, exerça
cette fonction pendant vingt ans. Mais un acte coupable en prépare
un autre. Comme il avait transgressé le commandement de Dieu en
prenant une femme chez les Philistins, il retournait parfois chez ses
ennemis mortels pour y satisfaire des passions coupables. Confiant
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en sa force extraordinaire, qui faisait l’effroi des Philistins, il se
rendit un jour à Gaza pour y voir une prostituée. Quand ils apprirent
son arrivée, les habitants de la ville se réjouirent à la pensée de
la vengeance qu’ils allaient pouvoir satisfaire : leur adversaire ne
s’était-il pas enfermé dans les murs d’une de leurs cités les mieux
fortifiées ? Sûrs de leur proie, ils attendirent le matin pour assurer
leur triomphe.