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Patriarches et Prophètes
Au moment fixé, l’arche portée par les prêtres prenant les de-
vants, la multitude s’ébranla, laissant un espace d’un kilomètre envi-
ron entre elle et l’avant-garde. Tous les regards suivaient avec anxiété
les prêtres et l’arche sainte se dirigeant vers les rives du Jourdain et
s’approchant lentement de ses eaux gonflées et menaçantes. Mais à
peine les prêtres se furent-ils mouillés les pieds que l’on vit les flots
se partager : d’un côté, ils étaient refoulés en arrière, et de l’autre, ils
continuaient leur cours, laissant ainsi le lit du fleuve complètement
à sec.
Sur l’ordre de Dieu, les prêtres s’avancèrent jusqu’à un point
situé à égale distance des deux rives, tandis que toute la multitude,
descendant à leur suite, passa sur l’autre bord. Chacun put ainsi
constater, en traversant, que la puissance qui arrêtait les eaux du
Jourdain était celle-là même qui, quarante ans auparavant, avait
entrouvert devant leurs pères les eaux de la mer Rouge. Ce n’est que
lorsque tout le peuple eut passé que l’arche fut transportée sur la rive
occidentale. A peine eût-elle été mise en lieu sûr, “et les prêtres qui
portaient l’arche de l’alliance eussent-ils quitté le lit du fleuve, et la
plante de leurs pieds se fût-elle levée pour se poser sur le sec”, que
les eaux, soudain mises en liberté, se précipitèrent irrésistiblement
dans la direction de leur embouchure.
Mais il fallait que les générations futures se souviennent toujours
de ce grand miracle. Tandis que les prêtres qui portaient l’arche
étaient encore au milieu du Jourdain, douze hommes spécialement
désignés, à raison d’un par tribu, prirent chacun une pierre à cet
endroit et la transportèrent sur la rive opposée. Ces pierres servirent
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à ériger un monument à l’endroit du premier campement sur la rive
occidentale. On recommanda au peuple de raconter cet événement
à leurs enfants et à leurs petits-enfants, afin, comme le leur dit Jo-
sué, que “tous les peuples de la terre reconnaissent que la main de
l’Éternel est puissante, et afin que vous ayez toujours la crainte de
l’Éternel, votre Dieu.”
L’impression causée par ce miracle, tant sur les Hébreux que sur
leurs ennemis, fut profonde. Israël y voyait l’assurance que Dieu était
au milieu d’eux pour les protéger, et qu’il agirait en leur faveur par
Josué comme par Moïse. Cette assurance était nécessaire au moment
où ils allaient entreprendre la tâche redoutable qui, quarante ans plus
tôt, avait fait chanceler la foi de leurs pères. Avant le passage du