Page 389 - Patriarches et Proph

Basic HTML Version

Le contour de I’Idumée
385
toutes leurs facultés s’étaient développés et enrichis. Leur vie entière
s’était consumée au service de Dieu et de leurs semblables. Leurs
visages dénotaient non seulement la fermeté et une vive intelligence,
mais aussi une grande bonté et une rare noblesse de sentiments.
Moïse et Aaron avaient passé de longues années côte à côte,
prenant part aux mêmes labeurs, aux mêmes soucis. Ils avaient af-
fronté ensemble des dangers innombrables et goûté les plus douces
bénédictions du ciel. Mais l’heure de la séparation approchait. Aussi,
profitant des moments précieux qui leur restaient, les deux cente-
naires gravissaient à pas lents la pente escarpée et pénible de la
montagne, tout en se reposant fréquemment et en s’entretenant du
passé et de l’avenir. Aussi loin que portaient leurs regards, ils avaient
devant eux la scène de leurs longs pèlerinages. Plus près, couvrant la
plaine, se dressaient les tentes innombrables de la nation à laquelle
ils avaient tous deux consacré la meilleure partie de leur vie, et pour
le bonheur de laquelle ils avaient tout sacrifié. Plus loin, au-delà des
montagnes d’Édom, se dessinait la route de la terre promise, dont ni
Aaron, ni Moïse ne devaient goûter les délices. Aucune amertume
ne troublait leur sérénité ; aucun murmure ne s’échappait de leurs
lèvres. Seule la cause de cette privation jetait sur leurs visages un
voile de gravité attristée.
L’œuvre d’Aaron en faveur d’Israël touchait à son terme. Qua-
rante années auparavant, âgé de quatre-vingt-trois ans, il avait été
appelé à seconder Moïse dans la tâche ardue de conduire Israël hors
d’Égypte. Il soutint les mains du prophète lors de la bataille contre
Amalek. Il lui fut permis de gravir le mont Sinaï et d’y contempler
la gloire divine. Dieu avait conféré à sa famille la charge de la sacri-
[405]
ficature et il l’avait lui-même honoré de la sainte dignité de grand
prêtre. La légitimité de cette fonction sacrée avait été confirmée par
les jugements divins qui emportèrent Coré et son parti, et c’était
grâce à l’intercession d’Aaron que la plaie avait été arrêtée.
Quand ses deux fils furent frappés à mort pour avoir violé un
ordre divin, Aaron n’avait ni regimbé, ni murmuré. Quelques taches,
cependant, maculaient les pages de cette noble vie. Aaron avait
commis un très grave péché quand, au pied du Sinaï, cédant aux
clameurs du peuple, il lui avait fondu un veau d’or. Puis il s’était
associé aux murmures et à l’envie de Marie contre Moïse. Enfin,