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Patriarches et Prophètes
circonstance une solennité extraordinaire, et les conducteurs d’Israël
auraient dû en profiter pour inculquer au peuple une haute idée de la
majesté, de la puissance et de la bonté divines. Quand ils s’étaient
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écriés avec colère : “Vous ferons-
nous
sortir de l’eau de ce rocher ?”
bien que sujets eux-mêmes aux défaillances et aux infirmités hu-
maines, ils s’étaient mis à la place de Dieu. Lassé par les continuels
murmures et les révoltes du peuple, Moïse perdit de vue son tout-
puissant Soutien. Privé de la force divine, un seul instant suffit pour
entacher sa carrière d’une faiblesse humaine. L’homme qui aurait
pu rester pur, ferme et désintéressé jusqu’à la fin de sa vie, avait fi-
nalement essuyé une défaite. Dieu, qui devait être magnifié et exalté,
était déshonoré devant la congrégation.
Cette fois-ci, l’Éternel ne prononça aucun jugement contre ceux
qui provoquèrent si souvent Moïse et Aaron. La répréhension divine
tomba tout entière sur ces derniers. En donnant l’impression que les
murmures du peuple étaient dirigés contre eux, et non contre Dieu,
ses représentants attitrés ne l’honorèrent pas. C’était en pensant à
eux-mêmes, en cherchant de la sympathie, personnellement, qu’ils
tombèrent inconsciemment dans cette faute et négligèrent de montrer
au peuple toute son indignité envers Dieu. Aussi ne furent-ils pas
coupables de péché délibéré et volontaire ; ils succombèrent à une
tentation soudaine.
La censure divine qui fut immédiatement prononcée fut amère et
très humiliante. “L’Éternel dit ensuite à Moïse et à Aaron : Puisque
vous n’avez pas cru en moi, de manière à me sanctifier aux yeux
du peuple d’Israël, vous ne conduirez pas cette assemblée dans le
pays que je lui ai donné.” Comme l’Israël rebelle, les deux frères
devaient mourir avant la traversée du Jourdain. Si, sous la censure
divine, ils avaient manifesté de l’humeur, leur culpabilité aurait été
beaucoup plus grande. Mais leur repentir fut immédiat et profond, et
Dieu accepta leur contrition, sans pouvoir cependant leur en remettre
la peine à cause de l’exemple donné à Israël.
Sans rien cacher, Moïse annonça au peuple que n’ayant pas
glorifié l’Éternel, il allait être déchargé du soin de les conduire au
pays promis, et il les invita à se demander, étant donné la sévérité de
son châtiment, comment Dieu devait envisager leurs murmures et
leur injustice lorsqu’ils attribuaient à un homme les châtiments dont
leurs péchés avaient été frappés. Il leur dit aussi avec quelle instance