Page 37 - Patriarches et Proph

Basic HTML Version

La tentation et la chute
33
vivant et magnifique, et dont l’amour lui a donné cette compagne,
peut la lui remplacer. Et il se décide à partager son sort. Si elle doit
mourir, il mourra avec elle. Après tout, se dit-il, les paroles du sage
serpent ne pourraient-elles pas être vraies ? Ève est devant lui aussi
ravissante et, apparemment, aussi innocente qu’auparavant. Elle lui
manifeste même un amour plus vif que jamais. Aucun signe de mort
ne paraît sur ses traits. Adam se résout à braver les conséquences de
son acte. Il saisit le fruit et le dévore.
Son péché consommé, il a tout d’abord l’impression qu’il entre
dans une sphère plus élevée. Bientôt, cependant, la pensée de sa
faute le remplit de terreur. L’atmosphère, qui avait toujours été douce
et uniforme, paraît glaciale au couple désobéissant, leur vêtement
lumineux disparaît. N’osant se présenter dévêtus devant Dieu et
devant les anges, ils se mettent à façonner quelques ajustements. En
outre, l’amour et la paix qui, jusqu’alors, ont été leur partage, font
place à un sentiment de culpabilité et de désenchantement, à une
frayeur de l’avenir.
Notre premier père, qui commence à se rendre compte du vrai ca-
ractère de sa faute, reproche à sa femme de s’être follement éloignée
de lui et laissé séduire par le serpent. Ils se rassurent, néanmoins,
à l’idée que celui qui les a, jusque-là, comblés de tant de bontés,
pardonnera leur unique transgression, ou que leur châtiment sera
moins inflexible qu’ils ne le craignent.
Satan triomphe de son succès. Il a poussé la femme à manquer
de confiance en Dieu, à douter de sa sagesse, à transgresser sa loi.
Par elle, il a consommé la chute d’Adam.
[35]
Mais le Législateur suprême se prépare à faire connaître aux
coupables les conséquences de leur transgression. Sa divine présence
apparaît dans le jardin. Dans son innocence et sa sainteté, le premier
couple avait salué avec joie l’approche du Créateur. Mais maintenant,
frappés de terreur, Adam et Ève s’enfuient et se cachent dans les
taillis les plus épais du jardin. Or, “l’Éternel Dieu appela Adam,
et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J’ai entendu le bruit de tes pas
dans le jardin ; j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.
L’Éternel dit encore : Qui t’as appris que tu es nu ? As-tu mangé le
fruit que je t’avais défendu de manger ?”
Adam ne pouvait pas plus nier qu’excuser son péché. Mais au
lieu d’en manifester du repentir, il en jette la faute sur sa femme, et