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Patriarches et Prophètes
sera moins grand que si tu es seule. Or, absorbée par ses charmantes
occupations, elle s’éloigne inconsciemment de son mari. S’aperce-
vant tout à coup qu’elle est seule, elle éprouve un sentiment d’effroi.
Mais, chassant aussitôt ses craintes, elle se dit qu’elle est assez sage
pour discerner le mal et y résister.
Oubliant les recommandations de l’ange, elle se trouve bien-
tôt en face de l’arbre défendu, qu’elle contemple avec un mélange
de curiosité et d’admiration. Le fruit en est si beau qu’elle se de-
mande pourquoi Dieu l’a défendu. L’occasion du tentateur est venue.
Comme s’il comprenait les mouvements du cœur d’Ève : “Quoi,
dit-il à la femme, Dieu aurait-il vraiment dit : Vous ne mangerez les
fruits d’aucun arbre du jardin
?” A l’ouïe de cet écho inattendu de
ses propres pensées, elle est surprise et presque effrayée. Mais alors,
d’une voix musicale et caressante, le serpent se répand en louanges
subtiles sur sa beauté incomparable, louanges qu’elle écoute sans
déplaisir. Aussi, au lieu de s’enfuir en toute hâte, elle s’attarde, émer-
veillée d’entendre parler un serpent. Si elle s’était trouvée en face
d’un être semblable aux anges, la crainte l’aurait saisie ; mais l’idée
ne lui vient pas que ce séduisant animal puisse être un instrument de
l’ange déchu.
A l’habile question du tentateur, elle répond : “Nous mangeons
les fruits des arbres du jardin, mais, quant au fruit de l’arbre placé
au milieu du jardin, Dieu a dit : N’en mangez point, et n’y touchez
pas ; sinon vous mourrez ! Le serpent répondit à la femme : Vous
ne mourrez certainement pas ; mais Dieu sait que, le jour où vous
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mangerez de ce fruit, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme
Dieu, connaissant le bien et le mal.”
Le tentateur lui fait accroire qu’en mangeant du fruit de cet arbre,
elle et son mari parviendront à une sphère d’existence plus élevée,
et qu’ils verront s’élargir l’horizon de leurs connaissances. Ayant
lui-même mangé du fruit défendu, n’a-t-il pas acquis le don de la
parole ? Puis il insinue que l’Éternel leur interdit cet arbre par une
crainte jalouse de les voir s’élever à sa hauteur. C’est, affirme-t-il, en
raison de ses propriétés merveilleuses, de la faculté qu’il a de donner
la sagesse, qu’on vous a défendu d’en goûter ou même d’y toucher.
En termes couverts, le tentateur ajoute que la menace divine ne sera
* .
Voir
Genèse 3