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Patriarches et Prophètes
Durant leur servitude, les descendants de Jacob avaient en
quelque sorte perdu la connaissance de la loi de Dieu et s’étaient
écartés de ses préceptes. Le sabbat avait été généralement abandonné,
et les exactions des chefs de corvées rendaient son observation ap-
paremment impossible. Aussi Moïse dit-il à son peuple que l’obéis-
sance aux commandements de Dieu était la première condition de la
délivrance. Mais les oppresseurs eurent bientôt connaissance de ses
efforts pour rétablir l’observation du sabbat.
Sérieusement alarmé, le roi suspectait les Israélites d’une révolte
et de l’abandon de leurs travaux. Ces projets, pensait-il, étaient la
conséquence de l’oisiveté ; aussi allait-il faire en sorte qu’il ne leur
restât pas de temps à consacrer à de dangereux complots. Il prit
immédiatement des mesures pour resserrer leurs chaînes et étouffer
en eux cet esprit d’indépendance. Le même jour, des ordres furent
donnés qui rendaient leur travail encore plus pénible. Les matériaux
ordinairement employés aux bâtisses étaient des briques séchées
au soleil. Leur fabrication occupait un grand nombre d’esclaves
hébreux. Les murs des plus beaux édifices étaient faits de ces briques
auxquelles on ajoutait un revêtement de pierres de taille. Pour rendre
l’argile plus consistante, on y mélangeait de la paille, dont il fallait de
très grandes quantités. Or, le roi donna l’ordre de ne plus fournir de
paille, et les bâtisseurs furent désormais obligés d’aller la chercher
eux-mêmes, tout en livrant le même nombre de briques.
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Ce décret jeta les Israélites dans la consternation. En vertu du
décret royal, ils se répandirent dans tout le pays pour chercher du
chaume au lieu de paille, mais ils ne purent livrer la même somme de
travail ; leurs contremaîtres furent cruellement battus par ordre des
chefs de corvée égyptiens et ils allèrent porter plainte au Pharaon.
Le monarque les reçut en ricanant : “Vous êtes des paresseux, oui,
des paresseux ! C’est pour cela que vous dites : Nous voulons aller
offrir des sacrifices à l’Éternel.” Ils furent renvoyés à leur ouvrage,
avertis par le roi que leurs fardeaux ne seraient nullement allégés. Au
moment où ils sortaient du palais du Pharaon, rencontrant Moïse et
Aaron qui les attendaient, ils leur dirent, exaspérés : “Que l’Éternel
vous regarde et qu’il vous juge ! Vous nous avez attiré la défaveur
du Pharaon et de ses serviteurs, et vous avez mis l’épée dans leurs
mains pour nous faire périr !”