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Patriarches et Prophètes
Les fils de Jacob, accompagnés de Siméon et de Benjamin, se
remirent joyeusement en route avec leurs animaux chargés de blé.
Tous étaient heureux à la pensée d’avoir échappé aux périls qui
avaient semblé les menacer. Mais à peine avaient-ils dépassé les
faubourgs de la ville que l’intendant les rejoignait et leur lançait
cette apostrophe qui les fit tressaillir : “Pourquoi avez-vous rendu le
mal pour le bien ? N’est-ce pas dans cette coupe que boit mon maître,
et dont il se sert pour deviner ? Vous avez fait une mauvaise action.”
Ces coupes, censées découvrir les substances vénéneuses qu’on y
introduisait, étaient à cette époque précieusement conservées comme
sauvegarde contre les empoisonnements.
A l’accusation de l’intendant, nos voyageurs répondirent : “Pour-
quoi mon seigneur parle-t-il ainsi ? A Dieu ne plaise que tes servi-
teurs aient commis une telle action. Eh quoi ! nous t’avons rapporté
du pays de Canaan l’argent que nous avions trouvé à l’intérieur
de nos sacs ; comment aurions-nous dérobé de l’argent ou de l’or
de la maison de ton maître ? Que celui de tes esclaves sur qui l’on
trouvera la coupe périsse, et nous-mêmes nous serons les esclaves
de ton seigneur.
” L’intendant leur dit : Eh bien, qu’il soit fait selon vos paroles !
Celui sur lequel on trouvera la coupe sera mon esclave ; quant aux
autres, ils seront quittes.”
Les perquisitions commencèrent immédiatement. “Aussitôt, cha-
cun d’eux s’empressa de déposer son sac à terre”, et, procédant
par ordre, “l’intendant fouilla en commençant par le plus âgé et
en finissant par le plus jeune ; et la coupe se trouva dans le sac de
Benjamin”.
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Au désespoir, les onze frères déchirent leurs vêtements et rentrent
lentement dans la ville. Suivant l’intendant jusqu’au palais, où le
gouverneur se trouvait encore, “ils se jettent à terre devant lui. Joseph
leur dit : Quelle action avez-vous commise ? Ne saviez-vous pas
qu’un homme tel que moi a le pouvoir de deviner ?” Joseph ne
prétendait pas posséder l’art de la divination. S’il leur laissait croire
qu’il pouvait lire les secrets de leur vie, c’était simplement pour leur
donner l’occasion de reconnaître leur péché.
Juda répond : “Que dirons-nous à mon seigneur ? Comment
parler ? Comment nous justifier ? Dieu a su trouver l’iniquité de tes