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Patriarches et Prophètes
feriez descendre mes cheveux blancs dans le séjour des morts, sous
le poids de la douleur.”
Mais la sécheresse continuait, et la provision de blé apportée
d’Égypte fut bientôt épuisée. Les fils de Jacob, sachant bien qu’il
était inutile de retourner sans Benjamin auprès du premier ministre
et qu’il y avait peu d’espoir de changer la résolution de leur père,
attendaient la crise en silence. De jour en jour, la famine s’approchait
plus près du camp de Jacob, qui en lisait sur tous les visages l’aver-
tissement lugubre. Finalement, il dit à ses fils : “Retournez pour nous
acheter un peu de vivres.” Juda lui répondit : “Ce gouverneur nous
l’a expressément déclaré : Vous ne serez pas admis devant moi si
votre frère n’est pas avec vous. Si donc tu envoies notre frère avec
nous, nous partirons, et nous t’achèterons des vivres. Mais si tu ne le
laisses pas aller, nous ne partirons pas ; car le gouverneur a dit : Vous
ne serez pas admis devant moi, si votre frère n’est pas avec vous.”
Voyant que la résolution de son père commençait à fléchir, il ajouta :
“Laisse partir l’enfant avec moi. Nous nous lèverons, et nous nous
mettrons en route ; et nous vivrons et ne mourrons point, ni nous, ni
toi, ni nos petits-enfants.” Puis il s’offrit comme garant de son frère,
prêt à porter éternellement la peine de la perte de Benjamin s’il ne
le ramenait sain et sauf.
Ne pouvant plus refuser son consentement, Jacob donna l’ordre
de se préparer au voyage, en leur recommandant de porter au gou-
verneur un présent composé des “produits les plus renommés du
pays” parmi ceux qui existaient encore : “un peu de baume, un peu
de miel, des aromates et de la myrrhe, des pistaches et des amandes”.
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“Prenez aussi votre frère, ajouta-t-il ; levez-vous, retournez vers cet
homme.” Lorsqu’ils furent sur le départ pour ce périlleux voyage, le
patriarche se leva et, les mains tendues vers le ciel, prononça cette
prière : “Que le Dieu tout-puissant vous fasse trouver grâce auprès
de lui, afin qu’il vous rende votre autre frère, ainsi que Benjamin !
Pour moi, s’il faut que je sois privé de mes enfants, que j’en sois
privé !”
Arrivés une deuxième fois en Égypte, les fils de Jacob se pré-
sentent devant Joseph. Lorsque les regards de celui-ci s’arrêtent sur
Benjamin, le fils de sa propre mère, une vive émotion l’étreint. Se
surmontant cependant, il ordonne que l’on conduise les dix frères à
sa maison, pour y dîner avec lui. Alarmés de se voir amenés chez le