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Patriarches et Prophètes
gneur ; mais tes serviteurs sont venus pour acheter des vivres. Nous
sommes tous fils d’un même père ; nous sommes d’honnêtes gens ;
tes serviteurs ne sont pas des espions.” Leur déclaration pouvant être
fausse, Joseph réitère son accusation : “Pas du tout ! Vous êtes venus
pour reconnaître les points faibles du pays.” “Nous, tes serviteurs,
dirent-ils, nous sommes douze frères, fils d’un même père, du pays
de Canaan. Le plus jeune est en ce moment avec notre père, et il y
en a un qui n’est plus.”
Feignant toujours de douter de la véracité de leur histoire, le
gouverneur leur propose alors de lui prouver leur sincérité en restant
en Égypte, tandis que l’un d’eux ira chercher leur jeune frère. S’ils
n’y consentent pas, ils seront traités en espions. Les fils de Jacob
déclarent ne pouvoir consentir à une pareille proposition. Durant son
exécution, leurs familles souffriraient de la faim. Lequel d’entre eux
voudra entreprendre seul ce voyage, laissant ses frères en prison ?
Comment osera-t-il se présenter devant leur père ? D’ailleurs, se
disent-ils, il est probable que nous serons tous mis à mort ou réduits
en esclavage. Et si Benjamin vient en Égypte, ce ne sera que pour
partager notre sort. Ils décident donc de rester et de souffrir ensemble,
plutôt que d’augmenter la douleur de leur père par la perte du seul fils
qui lui reste. Ils sont alors jetés en prison, où on les retient enfermés
trois jours.
Au cours des années qui s’étaient écoulées depuis leur forfait
à l’égard de Joseph, les fils de Jacob avaient changé. D’envieux,
violents, faux, cruels et vindicatifs qu’ils étaient, l’adversité les avait
rendus désintéressés, bons les uns envers les autres, dévoués à leur
père et, quoique arrivés à l’âge mûr, soumis à l’autorité paternelle.
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Les trois jours passés dans la prison égyptienne leur permirent
de faire un sérieux retour sur leur conduite d’autrefois et furent pour
eux l’occasion de remords amers. Joseph n’osait les y retenir plus
longtemps, leurs familles et leur père pouvant souffrir de la faim. Il
les fit donc venir devant lui et leur dit : “Faites ceci, et vous vivrez !
Je crains Dieu... Si vous êtes des gens de bien, que l’un de vous,
votre frère, reste prisonnier dans votre prison ; et vous, allez, empor-
tez du blé pour les besoins de vos familles. Puis, amenez-moi votre
jeune frère ; vos paroles seront reconnues véritables, et vous ne mour-
rez point.” Ils acceptèrent la proposition, sans manifester beaucoup
d’espoir que leur père pût consentir à se séparer de Benjamin.