Page 181 - Patriarches et Proph

Basic HTML Version

Le retour de Jacob en Canaan
177
loi dont ils se rendaient coupables. Honteux de voir leurs méfaits
dévoilés, les jeunes gens parurent repentants ; mais ils ne faisaient
que cacher l’aigreur accrue de leurs mauvais sentiments.
Le don peu judicieux que fit Jacob à Joseph d’un riche vêtement
que portaient seules, à cette époque, les personnes de distinction,
[187]
fut, aux yeux de ses fils, une nouvelle preuve de sa partialité, et
fit naître en eux le soupçon qu’il se proposait de les écarter du
droit d’aînesse pour l’attribuer au fils de Rachel. Leur colère grandit
encore lorsqu’un jour le jeune garçon vint leur raconter un songe
qu’il avait eu.
“Nous étions, leur dit-il, à lier des gerbes au milieu des champs.
Et voici que ma gerbe se leva et se tint debout ; vos gerbes se ran-
gèrent autour d’elle et se prosternèrent devant la mienne.
Voudrais-tu régner sur nous et devenir notre maître ?” s’écrièrent
ses frères en proie à une jalouse irritation.
Peu après, Joseph eut un songe du même genre, qu’il leur raconta
également : “J’ai vu, dit-il, le soleil, la lune et onze étoiles qui se
prosternaient devant moi.” Ce songe fut aussi vite interprété que le
premier. Son père, qui était présent, le réprimanda : “Que signifie le
songe que tu as eu ? Faudra-t-il que nous venions, moi, ta mère et
tes frères, nous prosterner à terre devant toi ?” La sévérité apparente
de ces paroles cachait, chez Jacob, la conviction intime que Dieu
révélait l’avenir à son jeune fils.
Quant a ses frères, en le contemplant, debout devant eux, son
beau visage illuminé par l’Esprit de l’inspiration, ils ne pouvaient
réprimer un sentiment d’admiration. Mais, refusant d’abandonner
leur vie de désordre, ils continuaient à haïr celui dont la pureté
condamnait leurs péchés. L’esprit de Caïn s’emparait de leurs cœurs.
Obligés, par la nécessité, de trouver des pâturages pour leurs
troupeaux et de se transporter d’un lieu à l’autre, les fils de Jacob
restaient parfois des mois entiers loin de la maison paternelle. Après
les circonstances qui viennent d’être relatées, ils se rendirent à Si-
chem, l’endroit où leur père avait acheté un terrain. Quelque temps
s’étant écoulé sans qu’il reçût de leurs nouvelles, Jacob songea à
leur acte de barbarie envers les Sichémites et éprouva des craintes
pour leur sécurité. Il envoya Joseph à leur recherche. S’il avait connu
leurs sentiments réels envers leur jeune frère, il ne lui eût certes pas
confié cette démarche.