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Patriarches et Prophètes
un ennemi qui en veut à sa vie, il s’efforce de se dégager de son
étreinte. Un corps à corps silencieux s’engage. C’est à qui, dans
cette lutte nocturne, l’emportera sur son adversaire. Sans se relâcher
un seul instant, Jacob lutte de toute la force de son être. Et tandis
qu’il défend sa vie avec l’énergie du désespoir, ses péchés montent
devant lui comme pour le séparer de Dieu. Dans cette extrémité, au
souvenir des promesses divines, il demande miséricorde.
L’aube blanchissait déjà à l’horizon, que la lutte durait encore.
Alors l’inconnu touche Jacob à la hanche, qui à l’instant se trouve
déboitée. A ce signe, le patriarche reconnaît que son antagoniste est
un messager céleste. Et voilà pourquoi, malgré des efforts presque
surhumains, il ne l’a pas emporté. Jésus-Christ, l’ange de l’alliance,
s’est révélé à lui. Sans lâcher prise, pénitent et brisé, Jacob se cram-
ponne, “il pleure et demande grâce
; il réclame l’assurance que
son péché est pardonné. La souffrance physique, très vive cependant,
ne réussit pas à le détourner de son objet un seul instant, sa détermi-
nation ne fait que grandir et sa foi s’affermir. A l’ange qui cherche à
se libérer et lui dit : “Laisse-moi aller, car l’aurore se lève”, Jacob
répond : “Je ne te laisserai point aller que tu ne m’aies béni.” Si cette
déclaration avait été présomptueuse, il eût à l’instant perdu la vie.
Mais cette parole n’était qu’une expression de certitude éperdue.
Jacob, qui avait confessé son indignité, plaçait sa confiance en un
Dieu fidèle à ses promesses.
Jacob “lutta avec l’ange, et il fut le plus fort
. Par l’humiliation
et l’abandon de soi-même, ce mortel, faillible et chancelant, préva-
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lut sur la Majesté du ciel. De sa main tremblante, il avait saisi les
promesses de Dieu, et le cœur de celui qui est l’amour infini n’avait
pu repousser l’appel du suppliant. Jacob voit maintenant se dévoiler
tout entière devant lui la gravité de la ruse qui lui a fait obtenir le
droit d’aînesse. Faute d’avoir eu confiance en Dieu, il avait voulu ac-
complir, par ses propres moyens, une promesse que Dieu se réservait
de réaliser en son temps et à sa manière. Pour lui donner l’assurance
du pardon, son nom, qui lui rappelait son péché, fut remplacé par
un autre qui devait éterniser sa victoire. “Ton nom, lui dit l’ange, ne
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Voir
Osée 12 :5
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Osée 12 :5