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Patriarches et Prophètes
tous les membres de sa famille qui voudront fuir cette cité corrom-
pue. La foule, lassée, s’étant dispersée, Lot sortit pour avertir ses
enfants. Il leur répéta les paroles des anges : “Levez-vous, sortez
d’ici ; car l’Éternel va détruire la ville. Mais ses gendres crurent
qu’il se moquait” et se mirent à plaisanter sur ce qu’ils appelaient
ses craintes superstitieuses. Influencées par leurs maris, les filles
de Lot, ne voyant aucun signe de danger, se croyaient en sécurité.
Entourées de bien-être, elles ne jugeaient pas possible que la belle
ville de Sodome fût détruite.
Accablé de tristesse, Lot rentre chez lui et raconte son insuccès.
Alors les anges lui donnent, à lui, à sa femme et aux deux filles qui
vivent avec lui, l’ordre de sortir de leur demeure et de quitter la ville.
Mais Lot hésite. Bien que navré, chaque jour, des actes de violence
dont il est témoin, il ne se rend pas compte de la gravité des péchés
qui se commettent autour de lui, ni de la nécessité absolue d’y mettre
fin. D’autre part, quelques-uns de ses enfants ont décidé de rester à
Sodome et sa femme refuse de partir sans eux. La pensée de quitter
ce qui lui est le plus cher sur la terre lui paraît insupportable. Il lui
semble dur d’abandonner une demeure luxueuse et tous les biens
accumulés durant une vie entière, pour s’en aller, dénué de tout,
mener une vie de pèlerin.
Perplexe, morne, effaré, Lot s’attarde, au risque de périr avec les
siens dans la tempête qui s’avance. Alors les messagers célestes les
prennent par la main, lui, sa femme et ses filles, et les conduisent
hors de la ville ; puis ils rentrent à Sodome pour y accomplir leur
œuvre de destruction.
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Dans toutes les villes de la plaine, il ne s’est donc pas trouvé dix
justes. Seul, en réponse à la supplication d’Abraham, un homme crai-
gnant Dieu va être arraché au cataclysme. Un troisième personnage
alors s’approche. C’est celui auprès duquel Abraham a intercédé en
faveur de Lot. Avec une véhémence qui le fait tressaillir, il lui crie :
“Enfuis-toi pour sauver ta vie ! Ne regarde pas derrière toi, et ne
t’arrête nulle part dans la plaine ; fuis vers la montagne, de peur que
tu ne périsses !” A ce moment-là, tout délai, toute hésitation peut être
fatale. Un regard jeté en arrière sur la ville condamnée ; un instant
de retard passé à regretter leur confortable demeure peut leur coûter
la vie. L’ouragan de la colère divine n’attend que le délai nécessaire
pour donner à ces pauvres fugitifs la possibilité d’échapper.