Page 359 - Proph

Basic HTML Version

Le spectateur invisible
355
qu’était Belschatsar se sentait en toute sécurité dans cette enceinte,
où il passait son temps en festivités.
Sans souci pour sa tranquillité, ce roi fier et arrogant “donna un
grand festin à ses grands au nombre de mille”. Toutes les réjouis-
sances dont la richesse et la puissance pouvaient disposer rehaus-
saient cette scène de leur vive splendeur. De séduisantes femmes
aux riches atours se mêlaient aux convives de ce banquet royal,
composé d’hommes de génie et de grande distinction, de princes
et d’hommes d’Etat. Et le vin coulait à flot, et tous se réjouissaient
sous son influence grisante.
La raison obnubilée par son ivresse éhontée, le roi, livré à ses
plus bas instincts et à ses plus viles passions, conduisait lui-même
cette orgie obscène. Et tandis que la fête battait son plein, il ordonna
qu’on apportât “les vases d’or et d’argent que ... Nebucadnetsar avait
enlevés du temple, de la maison de Dieu à Jérusalem; et le roi et ses
grands, ses femmes et ses concubines, s’en servirent pour boire”. Il
voulait montrer à ses convives que rien n’était trop sacré pour lui.
“Alors on apporta les vases d’or ... et ils burent du vin, et ils
louèrent les dieux d’or, d’argent, d’airain, de fer, de bois et de pierre.”
Belschatsar était loin de penser qu’un témoin céleste assistait
à cette orgie païenne, qu’un spectateur invisible considérait cette
[401]
scène de profanation, prêtait l’oreille à la joie sacrilège des invités et
voyait leur idolâtrie. Mais bientôt l’hôte qui n’avait pas été invité fit
sentir sa présence. Au moment où le festin atteignait le paroxysme
du déchaînement, une main pâle apparut et traça sur la chaux de la
muraille du palais royal des caractères étincelants comme du feu, des
mots qui, bien qu’indéchiffrables pour la vaste assemblée, étaient de
sinistres présages pour le roi et ses invités, repris maintenant dans
leur conscience.
Les rires tumultueux cessèrent, alors que les assistants, saisis
d’une terreur panique, aperçurent la main qui traçait silencieusement
sur la muraille les caractères mystérieux. C’était comme un pano-
rama où se déroulaient les détails de leurs mauvaises actions ; il leur
semblait comparaître à la barre du tribunal de Dieu dont ils venaient
de défier le pouvoir. Dans ce lieu où, quelques instants auparavant,
régnaient l’hilarité et le blasphème, des visages mortellement pâles
se détachaient au milieu des cris d’épouvante. Lorsque Dieu jette la