Naaman
169
Le serviteur d’Elisée, Guéhazi, avait eu l’occasion, au cours des
années écoulées, de cultiver l’esprit de renoncement qui caractérisait
son maître. Il put jouir du privilège insigne d’être le porte-bannière
de l’armée de l’Eternel. Les dons les plus précieux du ciel furent
longtemps à sa portée. Et pourtant il s’en détourna, préférant s’assu-
rer des richesses terrestres de mauvais aloi. Maintenant donc, poussé
par son amour inavoué du lucre, il céda à une tentation qu’il ne put
maîtriser. “Voici, se dit-il, mon maître a ménagé Naaman, ce Syrien,
en n’acceptant pas de sa main ce qu’il avait apporté. ... Je vais courir
après lui, et j’en obtiendrai quelque chose.” Et “Guéhazi courut après
Naaman”, à l’insu de son maître.
[191]
“Naaman le voyant courir après lui, descendit de son char pour
aller à sa rencontre, et dit : Tout va-t-il bien ?” Alors Guéhazi lui
mentit effrontément : “Mon maître m’envoie te dire : Voici, il vient
d’arriver chez moi deux jeunes gens de la montagne d’Ephraïm,
d’entre les fils des prophètes ; donne pour eux, je te prie, un talent
d’argent et deux vêtements de rechange.” Naaman fut tout heureux
d’accéder à cette requête ; il insista même auprès de Guéhazi pour
qu’il accepte deux talents au lieu d’un seul. Il lui “donna deux habits
de rechange”, et ordonna à ses serviteurs de porter tout cela au
prophète.
Arrivé près de la maison de son maître, Guéhazi renvoya les
serviteurs de Naaman, et cacha le trésor et les vêtements. Puis, il
vint se présenter à Elisée. Pour parer à toute critique, il prononça
un deuxième mensonge. “D’où viens-tu ?” lui demanda le prophète.
Il répondit : “Ton serviteur n’est allé ni d’un côté, ni d’un autre.”
Alors Elisée lui adressa ces paroles sévères : “Mon esprit n’était pas
absent, lorsque cet homme a quitté son char pour venir à ta rencontre.
Est-ce le temps de prendre de l’argent et de prendre des vêtements,
puis des oliviers, des vignes, des brebis, des bœufs, des serviteurs et
des servantes ? La lèpre de Naaman s’attachera à toi et à ta postérité
pour toujours.” Le châtiment qui atteignit le coupable fut instantané.
“Guéhazi sortit de la présence d’Elisée avec une lèpre comme la
neige.”
Quelles leçons solennelles se dégagent de la conduite de Gué-
hazi, cet homme à qui avaient été accordés de si nobles privilèges ! Il
fut pour Naaman comme une pierre d’achoppement sur son chemin,
alors que le Syrien avait été illuminé par une merveilleuse clarté et