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Patriarches et Prophètes
Pourquoi ne manges-tu pas, et pourquoi ton cœur est-il triste ? Est-ce
que je ne vaux pas mieux pour toi que dix fils
?”
Sans prononcer aucune plainte, Anne alla répandre devant Dieu
la douleur qu’elle ne pouvait partager avec aucun être humain. Dans
sa prière, elle le supplia de lui faire le don précieux d’un fils à élever
pour lui. Puis elle fit le vœu solennel que si sa requête était exaucée,
son enfant serait consacré au Seigneur dès sa naissance.
Tout en priant silencieusement, près de l’entrée du tabernacle,
elle “répandait beaucoup de larmes”. Un tel spectacle de piété était
rare à cette époque. En revanche, la gloutonnerie, la joie bruyante,
même l’ivrognerie se manifestaient fréquemment jusque dans les
fêtes religieuses. Héli, le grand prêtre, ayant aperçu cette femme,
crut qu’elle était ivre, et, pour la réprimander, il lui dit sévèrement :
“Quand donc finira ton ivresse ? Va donc faire passer ton vin.”
Douloureusement affectée par cette parole inattendue, Anne ré-
pondit avec douceur : “Non, mon Seigneur ; je suis une femme dont
le cœur est affligé ; mais je répands mon âme devant l’Éternel. Ne
prends pas ta servante pour une femme de rien ; car c’est l’excès de
ma douleur et de mon affliction qui m’a fait parler jusqu’à présent.”
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Très touché, le grand prêtre, qui était un homme de Dieu, lui dit
alors : “Va en paix, et que le Dieu d’Israël t’accorde la demande que
tu lui as adressée.”
La prière d’Anne fut exaucée. Elle enfanta le fils qu’elle avait tant
désiré, et l’appela Samuel : “demandé à Dieu”. Cet enfant qu’elle
aimait de toute l’ardeur de son cœur de mère, qui la charmait par
sa douce naïveté, et dont elle voyait se développer les facultés, lui
devenait de jour en jour plus cher. Mais ce fils unique accordé
miraculeusement à sa foi, ce trésor qu’elle avait consacré à Dieu,
elle ne voulut pas le refuser à celui qui le lui avait donné. Aussitôt
que l’enfant put être séparé de sa mère, elle accomplit son vœu.
Reprenant avec son mari le chemin de Silo, Anne présenta son
précieux don au grand prêtre en ces termes : “C’est pour cet enfant
que je priais. L’Éternel m’a accordé la demande que je lui avais faite.
Moi aussi, j’en fais don à l’Éternel ; il est consacré à l’Éternel pour
tous les jours de sa vie.” Héli fut profondément touché par la foi
et la piété de cette femme d’Israël. Indulgent jusqu’à la faiblesse
* .
Voir
1 Samuel 1 ; 2 :1-1.1
.