Les douze espions
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murailles, que ceux qui les occupaient étaient puissants, et qu’on ne
pouvait en faire la conquête. Ils y avaient même vu des géants, fils
d’Anak.
La scène changea. A l’ouïe des paroles défaitistes inspirées aux
espions par Satan, un voile de tristesse tomba sur la congrégation, et
un lâche désespoir s’empara de tous les cœurs. Au lieu de prendre le
temps de réfléchir, le peuple oublia le passage de la mer Rouge et la
destruction de ses oppresseurs. Il oublia que celui qui l’avait conduit
jusque-là pouvait sûrement lui donner la terre promise. Laissant Dieu
en dehors de ses pensées, il agit comme si l’entreprise ne dépendait
que de la force de son bras. C’était renier la main puissante qui
l’avait dirigé par une longue suite de miracles. Aussi les murmures
éclatèrent-ils de nouveau contre Moïse et contre Aaron. “C’est donc
ici, criait-on, la fin de tous nos beaux espoirs ! C’est donc là le pays
pour lequel nous avons fait tout ce voyage depuis l’Égypte !” Et l’on
accusa les chefs d’avoir trompé le peuple et de l’avoir amené dans
une impasse.
Affolée, la foule pousse une immense clameur, mêlée de gé-
missements. Comprenant la gravité de la situation et la nécessité
de réagir vigoureusement contre l’effet produit par ses collègues
infidèles, Caleb se lève et se met à rappeler hautement les promesses
de Dieu. Il ne conteste pas ce qui vient d’être dit. Il convient que
les villes ont de hautes murailles et que les Cananéens sont puis-
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sants. “Mais Dieu nous a promis ce pays ! s’écrie-t-il. Montons et
emparons-nous du pays, car nous aurons la victoire !” En entendant
ces paroles d’espérance et de courage, la foule se calme un instant.
Mais les dix lâches interrompent Caleb et reviennent sur les obs-
tacles qu’ils dépeignent en couleurs encore plus sombres. “Nous ne
pourrons pas lutter contre ce peuple, disent-ils, car il est plus fort que
nous. Tous ceux que nous y avons vus sont des hommes de haute
taille. Nous y avons même vu les géants, enfants d’Anak, de la race
des géants ; nous étions à nos propres yeux comme des sauterelles,
et nous l’étions aussi à leurs yeux.”
Persévérant dans leurs propos défaitistes, ces hommes se dressent
contre Caleb et Josué, contre Moïse et contre Dieu. De plus en plus
déterminés à combattre toute idée de faire la conquête de Canaan, ils
vont jusqu’à falsifier les faits, et à dire : “C’est un pays qui dévore ses
habitants !” Ce rapport était mensonger, les espions se contredisaient,