Page 153 - Patriarches et Proph

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Jacob et Esaü
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En faisant connaître ces privilèges et ces conditions à ses fils,
Isaac avait annoncé que c’était à Ésaü, en sa qualité de fils aîné, que
revenait le droit d’aînesse. Mais celui-ci n’avait ni goût pour la piété,
ni inclination vers une vie religieuse. Les exigences attachées au
droit d’aînesse spirituel lui semblaient une entrave désagréable et
même irritante. La loi de Dieu, qui constituait la base de l’alliance
avec Abraham, lui apparaissait comme un joug de servitude. Résolu à
suivre ses penchants et à vivre à sa guise, il mettait son bonheur à être
riche et puissant, et son plaisir dans les festins et les réjouissances.
Pour lui, rien n’égalait la vie émancipée, vagabonde et aventureuse.
Rébecca, qui n’oubliait pas les paroles de l’ange, jugeait de la
chose avec plus de discernement que son mari. Elle était persuadée
que l’héritage dont parlait la promesse de Dieu était réservé à Jacob.
Mais elle avait beau répéter à Isaac les paroles célestes, celui-ci,
dans son affection pour le fils aîné, demeurait inébranlable.
Instruit par sa mère, le fils cadet avait connaissance de la révéla-
tion divine qui lui attribuait le droit d’aînesse et il désirait vivement
en posséder les ineffables privilèges. Ce n’étaient pas les richesses
temporelles qu’il convoitait, mais les bénédictions spirituelles : com-
munier avec Dieu comme Abraham, le juste ; présenter au nom de
sa famille le sacrifice expiatoire ; devenir l’ancêtre du peuple élu et
du Messie promis ; posséder l’immortel héritage. En un mot, goûter
les prérogatives et les honneurs compris dans l’alliance avec Dieu.
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Il écoutait avidement son père parler du droit d’aînesse spirituel
et retenait pieusement tout ce que lui en disait sa mère. Ce sujet
occupait jour et nuit ses pensées et devint la suprême ambition de sa
vie. Cependant, tout en plaçant les biens éternels au-dessus des biens
terrestres, Jacob ne possédait pas une connaissance personnelle du
Dieu qu’il révérait. Son cœur n’avait pas été renouvelé par la grâce
divine. Craignant que la promesse le concernant ne s’accomplisse
pas tant qu’Ésaü conserverait les droits du premier-né, il s’ingéniait
à découvrir le moyen de s’approprier ce trésor tant convoité que son
frère tenait en si petite estime.
Un jour, Ésaü revient de la chasse, harassé de fatigue. Il trouve
Jacob occupé à préparer un potage et il lui demande de lui en offrir
une portion. Celui-ci, toujours obsédé par la même pensée, saisit
l’occasion et pose à Ésaü comme condition de lui céder en retour le
droit d’aînesse. “Voici que je m’en vais mourir, s’écrie le chasseur