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Patriarches et Prophètes
La leçon donnée à Abraham est valable pour tous les siècles.
Elle proclame que la sainteté et le bonheur du mariage doivent être
garantis, fût-ce au prix d’un grand sacrifice. Sara était la seule femme
légitime d’Abraham, nulle autre n’était autorisée à partager ses droits
d’épouse et de mère. Son respect pour son mari nous est donné en
exemple dans le Nouveau Testament, et Dieu ne la blâme pas de se
refuser à partager avec une autre femme l’affection de son époux et
de demander le bannissement de sa rivale. N’était-ce pas, de la part
d’Abraham et de Sara, un manque de confiance en la puissance de
Dieu qui avait amené l’union du patriarche avec Agar ?
Dieu avait appelé Abraham à être le père des croyants. Sa vie
devait servir d’exemple aux générations futures. Mais sa foi n’avait
pas été parfaite ; elle avait faibli le jour où il n’avait pas osé avouer
que Sara était sa femme, ainsi que lors de son mariage avec Agar.
Aussi, pour lui donner plus de confiance en son Père céleste, Dieu va
le soumettre à une nouvelle épreuve, la plus dure qu’aucun homme
ait jamais été appelé à subir. Dans une vision de la nuit, ordre lui
est donné de se rendre au pays de Morija pour y offrir son fils en
sacrifice sur une montagne qui lui sera désignée.
Dans la vigueur de l’âge mûr, l’homme peut affronter des
épreuves et des douleurs qu’il ne saurait supporter à un âge plus
avancé, alors que, chancelant, il descend vers la tombe. Dans sa jeu-
nesse, Abraham s’était fait un jeu de subir des privations et de braver
le danger. Mais l’ardeur de sa jeunesse avait disparu. A l’époque où
il reçut cette injonction inouïe, il avait atteint l’âge de cent vingt ans.
Il était donc, même pour l’époque où il vivait, un vieillard. Néan-
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moins, Dieu avait réservé la dernière, la suprême épreuve de sa vie
pour le moment où, courbé sous le poids des ans, rassasié de labeurs
et de soucis, le patriarche soupirait après le repos.
Abraham habitait à Béer-Séba. Riche, prospère, comblé d’hon-
neurs, il était respecté à l’égal d’un prince par les grands du pays.
Les plaines qui s’étendaient autour de son camp étaient couvertes
des milliers de têtes de son gros et de son menu bétail, et parse-
mées des tentes de ses bergers et de ses fidèles serviteurs, qui se
comptaient par centaines. Le fils de la promesse, qui avait grandi
aux côtés de son père, était devenu un jeune homme. Le ciel avait
enfin couronné de bienfaits cette longue vie de sacrifices, d’attente
patiente et d’espoirs différés. Pour obéir au Seigneur, Abraham avait