Page 104 - Premiers Ecrits (1970)

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Premiers Ecrits
J’usai alors des grands moyens ; je les mis à la porte par la force.
Mais lorsque j’arrivais à en mettre un dehors, il en entrait trois autres,
apportant avec eux de la poussière, des copeaux, du sable et toutes
sortes de déchets, jusqu’à ce que tout cela recouvre les vrais joyaux,
de sorte qu’on ne pouvait plus les voir. Ils mirent aussi en pièces
l’écrin et en dispersèrent les morceaux parmi les déchets. Je me
rendis alors compte que ma colère ne servait pas à grand-chose et,
découragé, je m’assis et me mis à pleurer.
Tandis que je pleurais et me lamentais sur la perte qui résulterait
pour moi de toute cette affaire, je me souvins de Dieu et je l’implorai
avec ferveur pour qu’il me vînt en aide. Immédiatement la porte
s’ouvrit et un homme entra, après que tout le monde fut sorti. Il
tenait à la main un balai, il ouvrit les fenêtres et se mit à balayer la
chambre et à la débarrasser des ordures.
Je lui criai de s’arrêter, car parmi tout cela il y avait des joyaux
précieux.
Il me répondit : “Ne crains rien, j’en prendrai soin.”
Et alors qu’il balayait, la poussière, le sable, les faux joyaux
et les fausses pièces s’envolèrent par la fenêtre comme une fumée
emportée par le vent. Pendant ce remue-ménage, je fermai un instant
les yeux ; quand je les rouvris, les faux joyaux avaient tous disparu.
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Seuls les joyaux précieux, les diamants, les pièces d’or et d’argent
gisaient à profusion dans la chambre.
L’homme mit sur la table un écrin beaucoup plus grand et beau-
coup plus beau que l’autre et y rangea les joyaux et les pièces, sans
rien omettre, bien que quelques diamants n’aient pas été plus grands
qu’une tête d’épingle. Il m’appela pour venir voir ce qu’il avait
fait. Je regardai dans l’écrin et mes yeux furent éblouis. Tout cela
brillait dix fois plus qu’auparavant. Je pensai alors que les joyaux
avaient été polis par le sable et les pieds des méchantes personnes
qui les avaient dispersés sur le plancher. Ils étaient bien arrangés
dans l’écrin par cet homme, chacun à sa place, et sans peine visible.
Je poussai un cri de joie, et ce cri me réveilla.
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