De persécuteur à disciple
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Lorsque la glorieuse lumière disparut, Saul se releva, complè-
tement privé de la vue. L’éclat de la gloire du Christ avait été trop
intense pour ses yeux de mortel, et lorsque cette lumière s’évanouit,
il fut plongé dans d’épaisses ténèbres. Il crut que cette cécité avait
été une punition infligée par Dieu pour les cruelles persécutions qu’il
avait fait subir aux disciples de Jésus. Dans sa nuit terrible, l’apôtre
s’avança en tâtonnant, et ses compagnons, saisis de crainte et frappés
de stupeur, “le prirent par la main, et le conduisirent à Damas”.
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Le matin même de ce jour mémorable, tandis qu’il approchait
de Damas, Saul éprouvait une satisfaction intérieure en pensant
à la grande confiance que le grand prêtre avait placée en lui. On
l’avait chargé de lourdes responsabilités : il avait reçu la mission
de favoriser les intérêts de la religion juive en arrêtant, à Damas, si
possible, la propagation de la nouvelle doctrine. Or il était résolu de
faire aboutir sa mission, et il lui tardait de l’exécuter.
Mais comme ce qu’il avait prévu était différent de ce qui s’était
passé en approchant de la ville ! Frappé de cécité, sans force, torturé
par le remords, ne sachant pas ce qui lui arriverait par la suite,
il chercha la maison de Judas, le disciple, où il pourrait, dans la
solitude, réfléchir et prier.
Pendant trois jours Saul resta “sans voir, et il ne mangea ni ne
but”. Ces jours de torture pour son âme semblaient des années. Il se
rappelait sans cesse, et avec angoisse, le rôle qu’il avait joué dans le
martyre d’Etienne. Il pensait avec effroi combien il avait été coupable
en se laissant diriger par la méchanceté et les préjugés des prêtres
et des magistrats, alors même que le visage d’Etienne était illuminé
de la gloire céleste. L’esprit triste et abattu, il fit le compte des
nombreuses fois où il avait fermé les yeux et bouché les oreilles aux
preuves les plus frappantes, tandis qu’il intensifiait son impitoyable
persécution contre les disciples de Jésus de Nazareth. Dans cette
réclusion complète, il fit un examen sévère de sa conscience, tout en
humiliant son cœur.
Les chrétiens ayant été informés que Saul avait l’intention de se
rendre à Damas, redoutèrent de sa part quelque machination perfide,
et ils se tinrent sur la réserve, lui refusant leur sympathie. Saul n’avait
nulle envie de faire appel aux Juifs non convertis avec lesquels il
avait décidé de s’unir pour persécuter les chrétiens, car il savait
qu’ils ne l’écouteraient même pas. Il semblait ainsi privé de toute