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Conquérants Pacifiques
le maître du monde, serait finalement traduit pour que ses œuvres
reçoivent leur juste récompense. Dans sa peur du Dieu de l’apôtre,
il n’osa pas aller jusqu’à condamner l’inculpé contre lequel aucune
accusation n’avait pu tenir. Un sentiment de frayeur paralysa pour un
instant son esprit sanguinaire. Le ciel s’était ouvert devant son âme
coupable et endurcie ; la paix d’en haut, la pureté du ciel lui parurent
désirables. A cette minute, un appel miséricordieux fut adressé à
ce malheureux, mais le désir de pardon qu’il ressentit un instant
s’évanouit rapidement. Ordre fut donné de ramener le vieillard dans
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sa prison ; mais au moment où, sur le messager du ciel, se refermait
la porte du cachot, se ferma sur Néron la porte du repentir. Dès lors,
nul rayon de la lumière céleste ne perça plus jamais les ténèbres qui
l’enveloppaient. Il dut bientôt subir lui-même les coups de la colère
divine.
Peu de temps après, Néron s’embarqua pour son infâme expédi-
tion en Grèce qui fit rejaillir sur lui et son empire le déshonneur de
sa conduite dépravée et méprisable. Il retourna à Rome en grande
pompe, s’entoura de ses courtisans, et se livra alors à une débauche
effrénée. Mais au milieu de cette orgie, on entendit des voix tu-
multueuses s’élever dans les rues. Un messager, dépêché pour en
connaître la cause, revint avec la terrifiante nouvelle que Galba, à la
tête d’une armée, avançait en grande hâte vers Rome. L’insurrection
avait déjà éclaté dans la ville ; les rues grouillaient d’une populace
déchaînée qui s’approchait du palais impérial et menaçait de mettre
à mort l’empereur et tous ses partisans.
En cet instant de péril, Néron n’avait pas, comme le fidèle apôtre,
un Sauveur puissant et compatissant sur lequel il pouvait s’appuyer.
Comme il redoutait la souffrance de la torture que la foule risquait de
lui infliger, l’abject tyran pensa mettre lui-même fin à ses jours ; mais,
au moment voulu, le courage lui manqua. Complètement désemparé,
il s’enfuit ignominieusement de la ville et chercha refuge dans une
maison de campagne, située à quelques kilomètres de Rome. Mais il
ne put sauver sa vie. Le lieu de son refuge fut bientôt découvert, et
tandis que les cavaliers le poursuivaient, il appela un esclave à son
aide et se blessa mortellement. Ainsi périt prématurément Néron, le
tyran, à l’âge de trente-deux ans.
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