Paul à Rome
323
gris, enchaîné au groupe des criminels aux faces endurcies, recevait
des regards de mépris et des plaisanteries ironiques et dures. Mais
soudain, on entendit un cri de joie : un homme s’élance de la foule,
se jette au cou du prisonnier, l’embrasse en versant des larmes de
joie, comme un fils qui accueillerait son père après une absence
prolongée. Maintes fois cette scène se renouvela ; on aurait dit que
les regards, rendus perçants par une attente impatiente, avaient su
discerner, dans le captif enchaîné, celui qui, à Corinthe, à Philippes,
à Ephèse avait apporté aux fidèles les paroles de vie.
Tandis que les disciples entourent leur père spirituel avec une
chaude émotion, tout le groupe des prisonniers et des soldats s’est
immobilisé. Les gardiens s’impatientent et, cependant, ils n’ont pas
le courage d’interrompre cette émouvante rencontre ; car eux aussi
ont appris à aimer et à respecter l’apôtre. Sur le visage amenuisé et
douloureux du captif, les chrétiens voyaient un reflet de l’image du
Christ. Ils déclaraient à Paul qu’ils ne l’avaient pas oublié, ni cessé de
l’aimer, qu’ils lui étaient redevables de la joyeuse espérance qui les
[399]
animait et leur procurait la paix envers Dieu. Dans leur enthousiasme,
ils auraient voulu porter Paul sur leurs épaules pendant le reste du
trajet, si on le leur avait permis.
Peu de personnes saisissent toute la signification des paroles de
Luc, lorsqu’il dit que Paul, en voyant ses frères, “rendit grâces à Dieu,
et prit courage”. Au milieu du groupe des disciples qui manifestaient
leur sympathie dans les difficultés sans éprouver aucune honte pour
les chaînes du captif, l’apôtre louait Dieu à haute voix. Le nuage
de tristesse qui oppressait son âme était dissipé. Sa vie chrétienne
n’avait été qu’une suite d’épreuves, de souffrances et de déceptions ;
mais cette heure-là le dédommageait amplement de tout ce qu’il
avait subi. Alors, il continua sa route d’un pas plus résolu et d’un
cœur plus joyeux. Il ne se plaindrait pas du passé, ni ne redouterait
l’avenir. La prison, l’adversité l’attendaient, il le savait ; mais il savait
aussi qu’il avait libéré des âmes de liens infiniment plus terribles, et
il se réjouissait dans ses souffrances pour l’amour du Christ.
A Rome, le centurion Julius remit ses prisonniers à l’officier
qui commandait la garde de l’empereur. Le rapport favorable qu’il
fit sur Paul, la lettre de Festus valurent à l’apôtre d’être traité avec
bienveillance par le capitaine, de sorte qu’au lieu d’être jeté en
prison, il fut autorisé à loger dans une maison qu’il loua. Quoique