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Patriarches et Prophètes
Le conseil de Husaï avait atteint son but en ce qu’il avait donné à
David l’occasion de se mettre à l’abri. Cependant, Absalom, irréflé-
chi et impétueux, ne pouvant se contenir plus longtemps, “passait le
Jourdain, suivi de toute l’armée d’Israël”, et se mettait à la poursuite
de son père. Pour commander ses forces, il avait choisi Amasa, fils
d’Abigal, la tante de Joab. Mais son armée, quoique considérable,
manquait de discipline et était mal préparée à résister aux soldats
aguerris du roi.
David, ayant divisé ses troupes en trois corps placés sous les
ordres de Joab, d’Abisaï et d’Ittaï, Guittien, avait l’intention de
prendre lui-même le commandement de toute l’armée. Mais ses
officiers, ses conseillers et le peuple s’opposèrent avec véhémence à
ce dessein. “Tu ne viendras pas, s’écria-t-on ; car, si nous fuyons, on
n’attachera point d’importance à notre fuite, et, même si la moitié
d’entre nous périssait, on n’y ferait pas attention ; mais toi, tu en
vaux dix mille comme nous. Il est donc préférable que tu te tiennes
dans la ville tout prêt à nous secourir. Le roi reprit : Je ferai ce qui
vous paraît bon.”
Du haut des murailles de la ville, on vit approcher les colonnes
de l’armée rebelle. En comparaison avec celle-ci, la troupe de David
était insignifiante. Et pourtant, en contemplant ces forces ennemies,
la pensée dominante dans le cœur du roi n’est pas le souci de sa
couronne, de son royaume ni même de sa vie, dont le sort dépend
cependant du résultat de la bataille qui va se livrer. Le cœur de
ce père est rempli d’appréhension et de pitié pour son fils rebelle.
Au moment où l’armée défile devant lui, debout, à la porte de la
ville, il encourage ses soldats et les assure que le Dieu d’Israël leur
donnera la victoire. Et tandis que Joab passe devant lui à la tête de
son contingent, ce fier vainqueur de cent batailles entend, la tête
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inclinée, la dernière recommandation du roi qui leur dit d’une voix
tremblante : “Ayez soin de ménager le jeune homme Absalom.”
Abisaï et Ittaï reçoivent le même mandat : “Ayez soin de ménager
le jeune homme Absalom.” La sollicitude de ce père, qui semblait
ajouter plus de prix à la vie de ce malheureux qu’à son royaume et à
ses fidèles sujets, ne fit qu’accroître l’indignation de ses guerriers
contre le chef de l’insurrection, l’auteur de cette guerre fratricide.
La bataille eut lieu dans un bois situé près du Jourdain et il fut
vite impossible de commander les troupes nombreuses et indiscipli-