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Patriarches et Prophètes
Mais Moïse voyait devant lui des obstacles insurmontables. Com-
ment pourra-t-il convaincre son peuple que Dieu l’a réellement en-
voyé ? Il répond à la voix céleste : “Ils ne me croiront pas, et ils
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n’obéiront point à ma voix ; car ils diront : L’Éternel ne t’est pas
apparu.” Dieu lui donne alors, comme preuve de sa vocation, un
signe tombant sous les sens : “Jette à terre ton bâton. Moïse le jeta à
terre ; le bâton devint un serpent(11). A cette vue, Moïse s’enfuit.”
Puis il reçut l’ordre de mettre sa main dans son sein ; il obéit, et
quand il la retira, “voici que sa main était couverte de lèpre, blanche
comme la neige”. Mais Dieu lui dit de la remettre dans son sein, et
quand il la retira, “elle avait repris la couleur de la chair”. Par ces
signes, Moïse reçoit l’assurance que son peuple, comme le Pharaon,
connaîtra la toute-puissance de l’Eternel.
Mais l’homme de Dieu est encore effrayé à la pensée de l’œuvre
étrange et merveilleuse qui l’attend. Dans sa détresse, il se retranche
derrière l’excuse qu’il n’a pas la parole aisée : “Hélas ! Seigneur,
dit-il, je n’ai pas la parole facile, ni depuis hier, ni depuis avant-hier,
ni depuis que tu parles à ton serviteur ; car j’ai la bouche et la langue
embarrassées.” Il avait été si longtemps absent de l’Égypte qu’il
avait perdu l’usage courant de la langue du pays.
“L’Éternel lui dit : Qui a fait la bouche de l’homme ? Qui rend
muet ou sourd, clairvoyant ou aveugle ? N’est-ce pas moi, l’Éternel ?
Maintenant donc, va : je serai avec toi quand tu parleras.” Moïse
demande alors qu’une personne plus compétente que lui soit choisie
à sa place. Ses excuses avaient d’abord été dictées par la timidité et la
modestie. Mais Dieu lui ayant promis d’écarter toutes les difficultés
et de lui donner le succès final, toute hésitation, toute allusion à son
incapacité devenait de la défiance, et équivalait à l’accusation que
Dieu était incapable d’accomplir sa promesse ou qu’il s’était trompé
en le choisissant.
L’Éternel lui désigne alors Aaron, son frère, qui maniait la langue
égyptienne à la perfection. “Le voici même qui s’avance à ta ren-
contre... Tu lui parleras donc, et tu mettras les paroles dans sa bouche.
Je serai avec toi et avec lui, quand vous parlerez, et je vous enseigne-
rai ce que vous devez faire. C’est lui qui parlera pour toi au peuple ;
il sera ta bouche, et tu seras Dieu pour lui. Tu prendras dans ta main
ce bâton par lequel tu opéreras les prodiges.” L’ordre était impératif.
Tout prétexte ayant été enlevé, il n’y avait plus à tergiverser.
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