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Conquérants Pacifiques
Dieu, et dit : “Je paierai cette dette, moi. Que le pécheur soit épargné.
Je souffrirai à sa place.”
Après avoir offert de rembourser la dette d’Onésime, Paul rap-
pela à Philémon qu’il se devait lui-même à l’apôtre. Il lui était
redevable, en effet, de sa propre personne, puisque Dieu avait fait
de Paul l’instrument de sa conversion. Et par un appel fervent et
tendre, il suppliait Philémon d’être pour lui une source de joie et de
tranquilliser son esprit, comme sa charité avait tranquillisé le cœur
des saints : “C’est en comptant sur ton obéissance, ajoutait-il, que je
t’écris, sachant que tu feras même au-delà de ce que je dis.”
La lettre de Paul à Philémon montre l’influence de l’Evangile
sur les relations entre maîtres et serviteurs. Dans tout l’empire ro-
main, esclaves et maîtres se rencontraient dans la plupart des églises
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fondées par Paul. Dans les villes, le nombre des esclaves dépassait
fréquemment celui des hommes libres, et des lois extrêmement sé-
vères étaient considérées comme indispensables pour les assujettir à
leurs maîtres. Un riche Romain en possédait souvent des centaines,
de tout rang, de toute nationalité, de toute qualité. Il pouvait infliger
sur les âmes et sur les corps de ces malheureuses créatures n’importe
quelle peine de son choix, car il avait toute autorité sur elles. Si l’une
d’elles, pour se venger ou se défendre, s’aventurait à lever la main
sur son maître, alors toute la famille du coupable risquait d’être
cruellement sacrifiée. La plus légère faute, le plus petit incident,
la moindre négligence étaient souvent punis sans merci. Certains
maîtres, plus humains que d’autres, montraient cependant plus d’in-
dulgence envers leurs serviteurs ; mais la majeure partie des riches et
des nobles, qui s’adonnaient sans contrainte à la débauche, aux pas-
sions, aux mauvais désirs, faisaient de leurs esclaves les misérables
victimes du caprice et de la tyrannie. L’esprit de cette institution
plongeait l’individu dans un avilissement déplorable.
Ce n’était pas l’œuvre de l’apôtre de renverser, d’une façon
arbitraire ou par une action brusque, l’ordre ainsi établi dans la
société. S’il avait essayé de le faire, il aurait pu compromettre les
progrès de l’Evangile. Mais il enseignait les principes qui portaient
un coup fatal au système même de l’esclavage et qui, s’ils étaient