Le voyage et le naufrage
317
et gênaient la marche du vaisseau. Luc écrit à ce sujet : “Pendant
plusieurs jours nous naviguâmes lentement, et ce ne fut pas sans
difficulté que nous atteignîmes la hauteur de Cnide, où le vent ne
nous permit pas d’aborder. Nous passâmes au-dessous de l’île de
Crète, du côté de Salmone. Nous la côtoyâmes avec peine, et nous
arrivâmes à un lieu nommé Beaux-Ports, près duquel était la ville
de Lasée.”
A Beaux-Ports, le convoi dut faire relâche pendant quelque temps
pour attendre un vent favorable. L’hiver approchait rapidement, “et
la navigation devenait dangereuse”. Ceux qui conduisaient le navire
durent abandonner l’espoir d’atteindre leur destination avant la fin
de la mauvaise saison. La question à résoudre maintenant était
d’hiverner à Beaux-Ports, ou d’essayer d’atteindre un endroit plus
hospitalier. Cette question fut sérieusement discutée et, finalement,
on s’en rapporta à Paul, par l’intermédiaire du centenier, car il avait
gagné le respect des marins et des soldats. L’apôtre conseilla de
demeurer à Beaux-Ports. “Je vois, dit-il, que la navigation ne se
fera pas sans péril et sans beaucoup de dommage, non seulement
pour la cargaison et pour le navire, mais encore pour nos personnes.”
[391]
Cependant “le pilote et le patron du navire”, ainsi que la majorité
des passagers et de l’équipage, ne voulurent pas suivre ce conseil ;
parce que le port où ils étaient ancrés “n’était pas bon pour hiverner,
la plupart furent d’avis de le quitter pour tâcher d’atteindre Phénix,
port de Crète qui regarde le sud-ouest et le nord-ouest”.
Le centenier décida donc de se soumettre à la majorité ; c’est
pourquoi, quand “un léger vent du sud vint à souffler”, ils quittèrent
Beaux-Ports dans l’espoir d’atteindre bientôt le port désiré. Mais
peu après, “un vent impétueux... se déchaîna sur l’île. Le navire fut
entraîné, sans pouvoir lutter contre le vent.” Chassé par l’ouragan, il
s’approchait de la petite île de Clauda, et pendant qu’il s’y abritait,
les matelots s’attendaient au pire.
La chaloupe, seul moyen de sauvetage au cas où le navire som-
brerait, se trouvait à l’arrière, menacée d’être mise en pièces à tout
moment. Les matelots réussirent à la hisser à bord. Toutes précau-
tions furent prises alors pour augmenter la force de résistance du
bateau et pour affronter l’ouragan. La faible protection offerte par
l’île ne fut pas de longue durée, et bientôt les passagers furent à
nouveau exposés à la violence de la tempête. Celle-ci fit rage pen-